Marie-France des Pallières auprès des enfants de Phnom Penh

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L’histoire de Marie-France des Pallières est indissociable de celle de son mari. Plus discrète, elle lui laissait volontiers la parole. Mais depuis le décès de Christian en 2016, elle continue sans relâche à assumer leur engagement pris auprès des enfants. Elle vit toujours parmi eux, en plein milieu du centre Pour un Sourire d’Enfant qu’ils ont ouvert le 20 mai 1996.

À 57 ans, Marie-France et Christian des Pallières ont tout quitté : leurs biens en France, leurs repères, leur famille. « Nos enfants étaient partis de la maison, le dernier, encore étudiant en province, a trouvé notre projet super », raconte Marie-France.

Une mission tombée du ciel

Marie-France a été enseignante en français et en allemandQuand elle a rencontré Christian, ils ont tout de suite voulu découvrir le monde : une expatriation de trois ans au Maroc, puis des voyages en camping-car avec leurs enfants¹. Quand Christian prend sa pré-retraite, une amie l’embauche pour l’association SIPAR et l’envoie au Cambodge pour aider à reconstruire l’enseignement primaire totalement détruit par les Khmers Rouges. Il travaille à remettre en route les écoles et à former des professeurs. Marie-France le rejoint un an plus tard. « Cette mission nous est tombée du ciel ! » reconnait-elle. Bouleversés par la vision dantesque de la décharge de Phnom Penh, ils décident « de faire quelque chose » pour répondre à l’urgence.

Chaque jour, inlassablement, des centaines d’enfants, pieds nus, se disputent ferrailles et plastiques, qu’ils revendent pour trois fois rien afin de nourrir leurs familles exsangues. Au péril de leur vie entre les camions-bennes et dans une puanteur insoutenable, ils fouillent les ordures, sans relâche. Certains n’ont pas quatre ans. Leurs parents ont été déshumanisés par le communisme et le régime des Khmers rouges. Les familles vivent dans l’extrême pauvreté et, pour beaucoup, la violence. L’urgence est de donner à manger à ces enfants (un bol de riz par jour, en bordure de la décharge) et de leur offrir des premiers soins.

Un simple appel du coeur

Ils se laissent guider par les enfants eux-mêmes qui les appellent Papy et Mamie. À deux, ils créent une association, Pour un Sourire d’Enfant (PSE), récoltent de l’argent auprès de leurs famille et amis et, en 1995, partent s’installer auprès des enfants chiffonniers de la décharge de Phnom Penh. Sans prétention et sans savoir où les mènera ce simple appel du cœur. Pour sortir les enfants de leur situation inhumaine et les emmener à l’école, il faut convaincre les parents : Marie-France et Christian leur proposent régulièrement un sac de riz pour compenser le manque à gagner… Dès 1996, ils fondent, non loin de la décharge, une petite école où ils accueillent 10, 20, 100, 250 enfants… Puis un dispensaire, des centres de formation à partir de 2001 et, au fil des années, aident les Cambodgiens eux-mêmes à se relever.

Leakhena, qui a huit ou neuf ans, s’accroche à eux comme à une bouée de secours et leur demande, très vite, d’être ses parents. Afin de pouvoir communiquer avec eux sans intermédiaire, elle apprend le français, toute seule, en les écoutant, et devient très vite la traductrice de Christian et son adjointe pour les conversations avec les enfants et leurs familles, sur la décharge. Aujourd’hui, elle est directrice générale de PSE à Phnom-Penh.

Chaque année, pendant vingt ans, Mamie et Papy ont parcouru l’Europe pour une tournée à la recherche de nouveaux financements. Depuis la mort de son mari², Marie-France continue, seule, à sillonner les routes de France et d’Europe pendant trois mois chaque année pour faire connaître PSE, pour témoigner de son engagement en faveur des enfants les plus démunis du Cambodge et trouver de nouveaux soutiens. Marie-France est toujours active au centre de PSE : « Tant que je peux, je suis et je reste ‘Mamie’ sur place ». C’est au cours de soirées film et rencontre en Grande-Bretagne et en France que j’ai pu rencontrer cette femme engagée.

PSE a choisi dès sa création le système de parrainage d’enfants : « C’est un système pérenne qui nous permet d’accompagner les enfants de la maternelle à la formation professionnelle post-brevet et post-bac. Nous avons aussi besoin de personnes qui s’engagent à nos côtés sur place, selon les besoins du centre. »

6 500 enfants pris en charge chaque année

La décharge a déménagé en 2009, la ville de Phnom Penh a gagné du terrain, mais PSE continue à prendre en charge chaque année plus de 6 500 enfants cambodgiens qui vivent encore dans une situation de grande misère et de maltraitance, pour les mener de la misère à un métier à travers des programmes d’éducation et en assurant leurs besoins (nourriture, santé…).  6 500 diplômés de PSE ont aujourd’hui un métier qualifié et correctement rémunéré qui leur a permis de sortir définitivement de la misère. Si les enfants de PSE sortent aujourd’hui de 28 filières de formation différentes, l’école a toujours travaillé en collaboration étroite avec les ministères cambodgiens et la Reine elle-même contribue financièrement à la pérennité de l’entreprise – dont le corps enseignant reste exclusivement local. Marie-France est très fière de rappeler que le seul centre de formation cinématographique du Cambodge est une école… PSE, « parce que Christian adorait filmer ».

Le film Les Pépites³ de Xavier de Lausanne (2016), présent au côté du couple pendant des années, donne à goûter la fécondité du lien qui unit Marie-France, Christian et ces milliers d’enfants.

Marie-Blanche Camps

¹Quatre enfants et un rêve, Famille des Pallières, Albin Michel,1984.
²Christian est décédé à Phnom-Penh le 24 septembre 2016, quelques jours avant la sortie en salle du film Les Pépites. Ses cendres ont été dispersées sur l’ancien lieu de la décharge.
³Disponible en VOD et sur les plateformes. « Ce qui frappe dans cette école, ce n’est pas la morale ou la réussite pourtant criante. C’est la relation affective qui unit les uns aux autres. » Xavier de Lauzanne.

L’association Pour un Sourire d’Enfant PSE est apolitique et non confessionnelle. Deux objectifs l’animent : sortir les enfants de la misère et les faire entrer dans le monde professionnel grâce à des formations qualifiantes qui leur assurent un avenir stable. Pour y parvenir, plus de 600 salariés cambodgiens et plusieurs milliers de parrains (donateurs réguliers) se mobilisent. Reconnue par les autorités cambodgiennes, elle est également déclarée de bienfaisance et lauréate du Prix des Droits de l’Homme de la République Française. PSE a permis, depuis sa création de sauver de situations de vie dramatiques plus de 12 000 enfants cambodgiens qui, aujourd’hui, peuvent participer au développement de leur pays. Beaucoup d’autres enfants attendent encore notre aide…

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