Paradoxale Jane

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J’aime bien Jane Fonda et je dois dire qu’être comme elle à 84 ans ne me gênerait pas du tout… mais il est fort possible que je n’arrive pas à 84 ans et je n’ai malheureusement pas son physique de rêve (je n’ai sans doute pas fait assez de fitness). Quoi qu’elle fasse, Jane Fonda est une star internationale et veut le demeurer : numéro 1 des ventes pour son autobiographie, pionnière du fitness, égérie de grandes marques et idole ultra charismatique de générations de femmes à travers le monde.

Une nouvelle cause

Elle nous disait récemment qu’à 82 ans « elle fermait sa boutique amoureuse » et arrêtait les rencards, mais c’était pour mieux reprendre la course effrénée de sa vie et s’engager pour une nouvelle cause… En 2019, exaspérée par le déni du réchauffement climatique de la part du monde politique, elle s’installe à Washington et organise avec Greenpeace des manifestations pour le climat devant le Capitole. Cet appel à la désobéissance civile non violente qui lui vaut d’être arrêtée à plusieurs reprises (ce n’est pas la première fois) a mobilisé des milliers de personnes. Dans « Que faire ? »¹, Jane Fonda entrelace son parcours de militante aux propos d’éminents climatologues et responsables d’ONG pour souligner ce qui est en jeu : les systèmes de survie de la Terre risquent de s’effondrer, mais aussi notre tissu social. Elle est, comme d’habitude, dans l’air du temps. Et le bonheur dans tout ça ?

De Barbarella à guérillera

Un documentaire récent sur Netflix, « Jane Fonda in five acts », fait son portrait à travers les hommes de sa vie. Après un premier acte intitulé « Henry » (Fonda), suivra « Vadim » (Roger). « Je me suis tout de suite sentie en danger », dit-elle, pour ce film « Barbarella » où elle campe une héroïne ultra-sexy et interprète une scène devenue culte de strip-tease. Ce rôle, elle l’a endossé brièvement puisque, très tôt, son amie Simone Signoret lui ouvre les yeux sur la situation mondiale. Elle quitte la France et la vie hédoniste, rencontre « Tom » Hayden et débute sa période « Hanoi Jane » qui fera incontestablement avancer les causes vietnamienne, autochtone et, bien sûr, celle des femmes. Pour financer leur mouvement démocrate, elle aura l’idée de lancer une vidéo de danse aérobique qui connaîtra un succès phénoménal et, peu de temps après, un livre d’exercices qui trônera au premier rang du palmarès du New York Times durant deux ans.

Comment j’ai épousé un milliardaire…

Et voici « Ted » (Turner), magnat Presse/Communications (CNN c’est lui). Durant les dix années qu’elle a partagées avec lui, celui qu’elle appelle tendrement «son ex-mari préféré », Jane Fonda a tourné le dos au cinéma. L’actrice quitte son milliardaire afin de pouvoir incarner à ses propres yeux une féministe digne de ce nom, c’est-à-dire devenir enfin une femme libre, indépendante, qui ne se modèle plus aux idéaux (financiers ?) de son mari.

De Henry à Jane

Dans le dernier acte du documentaire intitulé « Jane » (enfin !), elle nous avoue qu’elle a finalement toujours été déçue par ses maris et en comprend aujourd’hui la raison « J’ai toujours voulu sortir avec quelqu’un qui était le contraire de mon père. Je n’avais pas réalisé que j’avais choisi des hommes qui étaient comme lui parce qu’ils avaient tous du mal à l’intimité. » Acteur de légende d’Hollywood, Henry Fonda, est probablement l’élément fondateur de l’insécurité de Jane. Formidable acteur, mais père absent, entretenant une liaison avec une femme à peine plus âgée que Jane, pendant que sa femme, la mère de Jane, morte trop tôt, multiplie les séjours en psychiatrie. Jane avoue d’ailleurs qu’elle-même n’est pas ce que l’on peut considérer un « parent idéal ».

Une grande actrice

Aurait-elle pu tout simplement se contenter d’être une grande actrice ? Oscarisée deux fois, elle a joué dans des films inoubliables qui ont marqué leur époque, comme « On achève bien les chevaux », « Klute » ou « Coming Home » et j’en passe. Mais cela ne lui suffisait pas. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était d’être une bonne fille afin d’obtenir l’approbation de son père, figure centrale du premier acte de sa vie… Il lui reste néanmoins quelques souvenirs : déçue par Marlon Brando, elle avoue avoir adoré jouer « des scènes de sexe » (très limitées, rassurez-vous…) avec Robert Redford de qui elle dit « il embrasse fabuleusement, et c’était amusant de l’embrasser à nouveau à presque 80 ans ».

Infatigable Jane !

Anne-Marie Chust

¹Que faire ? de Jane Fonda (Editions Albin Michel, avril 2021)

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