L’art lyrique est né en Grèce Antique, commençant à obéir à des codes précis seulement en 1607 avec l’Orfeo de Monteverdi. Toutefois, ces codes ne sont pas immuables et Maria Callas, Natalie Dessay et Eva Zaïcik l’ont bien compris, elles qui incarnent cette volonté de toujours mieux mettre en valeur la voix en cassant les codes.
Maria Callas ou la naissance de la Diva
Personnage volcanique et inoubliable, Maria Callas, femme impétueuse à la voix marquante et enivrante pour les uns, indisciplinée et choquante pour les autres, a donné tout son sens au mot « Diva ». Léonard Bernstein la surnommait « la Bible de l’opéra » tant elle connaissait de rôles par cœur, que ce soit sa Norma qu’elle interpréta jusqu’à la fin de sa carrière ou Carmen et Violetta dans La Traviata, ses rôles emblématiques. On retiendra aussi le roman de sa vie privée largement diffusée par les magazines people de l’époque, ses déboires amoureux, son régime de fer pour perdre plus de 50kg en quelques mois afin de toujours mieux correspondre à l’image de l’actrice hollywoodienne. Cette femme ardente et novatrice a cassé les codes du monde lyrique, notamment par son intensité dramatique. Elle a ouvert la voie à une nouvelle manière de chanter où le corps et l’interprétation sont aussi importants que la voix.
Natalie Dessay, une actrice qui chante
Aujourd’hui, c’est Natalie Dessay qui a repris le flambeau de la Diva d’hier. Cette soprano colorature léger a acquis une notoriété internationale grâce à sa voix sublime et à son jeu d’acteur. En cela, elle s’inscrit dans le sillage de son aînée, en clamant « J’adore la musique, j’adore en faire, mais ce qui me plaît par-dessus tout c’est de jouer la comédie. Je suis une actrice qui chante. » Elle est aussi une femme de caractère, à la détermination de fer « à la fois hystérique et obsessionnelle » selon ses propres mots. Bien qu’il y ait peu de rôles adaptés à sa voix, elle ne cesse d’en demander de nouveaux afin de pouvoir travailler sur ce qu’elle voit comme l’essence même de l’art lyrique, la richesse de l’interprétation, en continuant à remettre au goût du jour les opéras belcantistes, une tradition de chant italienne mettant en valeur le timbre ainsi que la virtuosité de la voix en usant de nombreux ornements, nuances et vocalises sur une tessiture toujours plus étendue. De La Reine de la Nuit, Lakmé, Zerbinette, Olympia jusqu’au bel canto, Lucia, Ophélie, elle continue à défendre le répertoire français comme Manon de Massenet à Genève puis à Barcelone. Mais elle chante aussi des bandes-son de films (Ave Maria de Rombi dans Joyeux Noël) et des grands rôles, tant au Met qu’à Londres, Vienne, Paris ou au Japon.
Eva Zaïcik, la relève primée
Bien qu’ayant toujours adoré chanter et pratiqué très jeune dans un chœur d’enfant amateur, puis dans un groupe de rock à l’adolescence, Eva Zaïcik ne savait pas lire une note de musique avant d’entrer à 20 ans à la Maîtrise de Notre Dame de Paris en tant que Soprano où elle découvre la musique Classique. C’est plus tard que lui sera vraiment révélé l’art lyrique en tant que tel, une pratique plus soliste, et sa voix de mezzo à l’âge de 26 ans. Élue Révélation lyrique aux Victoires de la Musique Classique en 2018, elle remporte le deuxième Prix du prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique ainsi que le Concours Voix Nouvelles. Ce qu’on peut retenir d’elle ? Sa boulimie de musique, sa passion pour toutes les formes et les époques qu’elle a pu découvrir au cours de ses études et de sa carrière, d’où son éclectisme auquel elle tient tant qui lui permet de revisiter l’art lyrique en mettant en valeur des pièces nouvelles ou inattendues, de vieilles partitions retrouvées dans des archives enfin recréées ou des compositions neuves d’artistes contemporains.
Ces trois femmes ont su mettre en valeur leurs voix en devenant des actrices qui chantent et en renouvelant profondément l’art lyrique qui mettait le jeu d’acteur au second plan. Natalie Dessay et Eva Zaïcik inspirées par la Callas, ont continué sur ce chemin en mettant en avant la diversité du répertoire et cherchant toujours à interpréter de nouvelles pièces. L’art lyrique un art d’hier ? Avec elles, il est clair que c’est un art de demain !
Marie-Annonciade Casalta
Étudiante en Licence III d’Histoire à la Faculté des lettres de Sorbonne Université
Article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus*
*Nous avons proposé à quatre étudiantes à la Sorbonne, effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, de nous présenter, dans le cadre de leur travail de soumission de mémoire, des femmes pionnières d’hier, aujourd’hui et demain choisies dans leurs domaines d’études. Vous découvrirez cet été, publiés dans notre rubrique Société, leurs travaux dont les choix vous surprendront… ou pas !
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet