Née en Iraq en 1950 d’une famille aisée et décédée en 2016 à 66 ans, Zaha Hadid a laissé une emprunte profonde dans le monde de l’architecture. Sa carrière peut être qualifiée de météorique, surtout à partir de 2004, quand cette Irako-Britannique reçoit le prestigieux prix Pritzker, première percée des femmes dans un univers dominé par les hommes¹.
Emblème de l’architecture déconstructiviste
Formée par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas (prix Pritzker en 2000) avec qui elle a travaillé 25 ans, Zaha commence par produire des dessins comme celui du Peak à Hong Kong en 1983. En 1988, elle participe à l’exposition « Deconstructivism in architecture » au MOMA de New York. Comme Koolhass, elle fait partie du courant architectural né dans les années 60, directement issu de la pensée postmoderne : le déconstructivisme. Elle en deviendra comme lui l’une des figures de proue. Ce courant se caractérise par la segmentation des structures qui génèrent des espaces désintégrés et déclenchent des formes irrégulières. Cela va à l’encontre de l’idée que les constructions doivent être symétriques pour atteindre la proportion, prônant au contraire les asymétries.
« Life is chaotic, dangerous, and surprising. Buildings should reflect that » Frank Gerhy
Reine des flux et des courbes
Au début de sa carrière, Zaha réalise des projets au mépris de toute approche contextuelle. Cela se voit dans sa première réalisation (1993), une caserne de pompier en Allemagne conçue comme un bâtiment-objet, « une explosion figée dans l’espace » qui met mal à l’aise ses occupants et qui sera vite transformée en musée. Dix ans après, les projets commencent à s’enchaîner. En 2002 elle réalise à Strasbourg un chef d’œuvre artistique qui lui vaut l’Équerre d’argent : la construction tout en béton d’une gare de tramway. Le concept est fondé sur des marquages en forme de lignes qui reproduisent les mouvements et la vitesse des voitures, du tram, des cyclistes et des piétons. Ce genre de réalisation spectaculaire lui vaudra le surnom de reine des flux et des courbes !
Une présence planétaire
Depuis sa propre agence à Londres, les commandes s’enchaînent, comme l’usine BMW en Allemagne (2005), un centre culturel en Azerbaïdjan tout en courbes, devenu le symbole du Bakou moderne, un opéra à Canton (2010), un étonnant musée à Glasgow (2011), une tour de 145 m à Marseille où tous les poteaux ont tous des inclinaisons différentes (2011), le centre aquatique pour les J.O. de 2012 à Londres. À Rome, le Maxxi, musée des arts du XXIe siècle, bâtiment de 20 000 m2, affiche une silhouette extérieure très brute, avec un surplomb vertigineux au dernier étage englobant dans le bâtiment une vue imprenable sur le quartier. L’intérieur, très lumineux grâce au toit vitré, se veut beaucoup plus fluide. Halls, rampes et salles se coulent les uns dans les autres pour offrir aux visiteurs une grande liberté de déplacement.
En rupture avec l’architecture classique dont les bâtiments ont toujours l’air de sortir de terre, ceux d’Hadid donnent l’impression d’atterrir et de se poser sur le sol, tels des vaisseaux lunaires, « une planète dans sa propre orbite » disait Rem Koolhaas.
¹Nomination suivie en 2020 par celle du duo féminin irlandais, Farrell et McNamara.
LIRE « Zaha Hadid – Complète Works 1979-Today » de Philip Jodidio (Editions Taschen)