Nous avons proposé à quatre étudiantes à la Sorbonne, effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, de nous présenter, dans le cadre de leur travail de soumission de mémoire, des femmes pionnières d’hier et d’aujourd’hui choisies dans leurs domaines d’études. Vous découvrirez cet été, publiés dans notre rubrique Société, leurs travaux dont les choix vous surprendront peut-être… ou pas !
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet
Joséphine et Yseult, la Victoire en chantant
Danseuse et chanteuse, Joséphine Baker est un symbole de la libération féminine de par son engagement et ses actions. Yseult, quant à elle, incarne la femme noire qui réussit et revendique ses idées dans ses chansons, en plus de se battre contre le racisme, le sexisme et la grossophobie.
Le chemin était tracé
Comme Joséphine Baker, la première star noire qui a usé des codes racistes pour se faire connaître, jouant un rôle majeur dans la lutte contre le racisme, la ségrégation et le sexisme, Yseult incarne l’image de la femme noire qui s’approprie ces convictions dans les textes de ses chansons. Le racisme, le sexisme et la grossophobie sont à la base de ses combats. Chanteuse et mannequin française, elle s’est fait connaître depuis 2019, notamment par ses chansons et son engagement politique. Yseult est une femme, Yseult est noire, Yseult est grosse. Elle dénonce l’image que renvoient les corps gros, les corps noirs, les corps des femmes en général, et se bat contre leur hyper-sexualisation en dés-objectifiant son propre corps, en ayant la merveilleuse audace de se montrer telle qu’elle est comme peu l’ont fait jusqu’à présent, notamment dans sa chanson « Corps » et son vidéo-clip.
Des pionnières
Comme Joséphine Baker l’était à son époque, Yseult pourrait être une pionnière dans la représentation de ce que sont la femme grosse et la femme noire aujourd’hui. Elle dégage une image d’espoir sans pareille, tout en étant un symbole de l’intersectionnalité. Elle porte ce concept sociologique et politique qui désigne « la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, de domination ou de discrimination dans une société ». Elle en cumule effectivement plusieurs : les femmes, les noires, les grosses et les femmes noires grosses sont invisibilisées en général et souvent empêchées d’avancer car la société leur met des bâtons dans les roues, inconsciemment ou consciemment.
La Victoire en chantant
Le 12 février 2021, Yseult a remporté le prix de la « « Révélation féminine » de l’année aux Victoires de la musique. Qu’elle soit connue, célébrée et félicitée en France transmet un message d’espoir, d’évolution des mentalités, un message nécessaire qui tarde à se faire recevoir, mais qui, ce soir-là, s’est fait entendre haut et fort. « Le chemin est long en tant que femme noire, en tant que femme grosse, en tant que femme oubliée de la société, oubliée de la culture. » À un siècle d’intervalle, on trouve d’un côté Joséphine Baker, décorée de la légion d’honneur, refusant de jouer dans des bars pratiquant la ségrégation, luttant aux côtés de Martin Luther King et d’autres figures antiségrégationnistes et antiracistes, et de l’autre, Yseult s’engageant à travers ses chansons, ses interviews, symbole de l’intersectionnalité, lançant son propre label indépendant pour faire ce qu’elle entend de sa musique et de son talent même si seulement 20% d’artistes femmes sont soutenues par les fonds publics contre 80% pour les hommes. Ce n’est là que le début de son combat et comme elle l’a dit :
« Le chemin est très long et sinueux, mais on va y arriver. Ça mettra 10 ans, ça mettra 15 ans, on ne veut pas nous laisser prendre l’ascenseur, y’a pas de souci, on est endurant, on va prendre les escaliers, on est fort, on est là. »
Alexane Dusi
Étudiante en licence à la Sorbonne
article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus
Joséphine Baker va entrer au Panthéon le 30 novembre prochain. Son entrée élèvera à 6 le nombre de femmes sur les 76 «grands hommes» qui y ont été inhumées.