Juliette Gréco, adieu à la belle insoumise

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Un style libre. Tout le monde l’aime sauf. Sauf sa mère, elle-même, les antiféministes, les conservateurs. Elle, enjouée, de noire vêtue, traverse ses 60 ans de carrière hors norme. Juliette Gréco, la môme rock de Saint-Germain-des-Prés, représentera la chanson française, ambassadrice de l’émancipation et de la liberté.

Interprète exceptionnelle

Les mots s’échappent des livres. « Je les véhicule dans le chant » dit elle. Son phrasé particulier, sa voix douce et profonde, son allure de diva aux mains qui dansent fascinent plus d’une Mid et pas que ! Ses amours, ses amis, ses soutiens. Avoir été la compagne de Miles Davis et la femme de Michel Piccoli, compagnons les plus célèbres, la distingue déjà. Elle fréquente toute la gente cultivée de l’époque. Brel très proche, Brassens, Prévert, Gainsbourg et puis Ferré, Biolay, Béart, Bashung, Sartre, Aznavour pour les plus mythiques. Tous veulent lui écrire une chanson. Sartre avec « Rue des Blancs-Manteaux », Aznavour dans « Je hais les dimanches », Queneau en poème « Si tu t’imagines », Béart « Il n’y a pas d’après », Gainsbourg « Accordéon ». Cocteau, Melville, Huston lui confient des rôles au cinéma : la gloire !

Le succès public vient avec « Un petit poisson, un petit oiseau » et « Déshabillez-moi ». Notons que cette dernière chanson faite pour une prostituée a été reprise par Juliette Gréco sensuellement, librement, effrontément. Elle ajoute à la fin de la chanson, péremptoire : « déshabillez-vous ! » La star augmente aussi sa popularité avec son rôle télévisuel dans la série « Belphégor ». Elle représente alors une vie folle à Paris et, comme l’égérie de la culture française, elle va faire des tournées au Brésil, aux États-Unis.

Et avant ?

L’enfance difficile de l’entre-guerre ne l’épargne pas. Emprisonnée trois semaines, par son jeune âge elle échappe au camp de Ravensbruck où sa mère et sa soeur sont déportées. Elle débarque seule à Paris, sa robe noire en tenue de misère. Elle fait du noir de la sensualité et du mystère en libérant cette teinte du deuil et du soir, codes d’avant elle. Elle est intelligente, sensible, attirante et elle fait son chemin. Par Le Tabou sans tabous, comme « une vraie insoumise ! » selon Biolay.

Et après ?

Elle fait une salle pleine avec moults standing ovations depuis 1990. Son public ne l’oublie pas. Mais encore ? De gauche assurément, elle étonne par son anti-racisme. Dans un restaurant qui refusait son entrée au couple Miles et elle, elle crache dans la main du serveur et tourne talons. Sa liberté au quotidien : dans ses premiers emplois, toute jeune, le patron la serre de trop près, elle le gifle. « J’étais scandaleuse, je faisais ce que je voulais ! » dit celle qui a symbolisé la transition d’un monde après-guerre dans la modernité.

Son style graphique noir et blanc en quelques traits, sa liberté, son intellectualisme et sa sensualité l’ont portée comme icône pour des décennies.

Doc Eugénie

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