« Pour aider sa fille, la mère doit être prête à vivre le deuil de la perte du corps infantile de son enfant au moment où celle-ci désire devenir une femme. » Et choisir de la soutenir avec générosité pour assister à son envol à l’aube de sa vie d’adulte.
Acquérir son identité féminine
La féminité serait un mystère pour la jeune fille et quoi donc de plus simple que de prendre exemple sur sa mère ou au contraire de s’en détacher complètement pour agir à l’opposé. Ce passage peut en effet parfois s’avérer difficile si la mère n’a pas réglé elle-même le contentieux avec sa propre mère. Et attention aux enfants non-vus, non-accueillis ou mal-aimés de leur mère, ils peuvent en souffrir toute leur vie ou parvenir à passer outre pour se construire sans cet amour maternel des premiers jours. Les mères doivent aussi reconnaître le corps de leur fille comme un corps féminin, car elles ont tendance à habiller les garçons et à parer les filles. Et le regard de la mère aide à la formation du moi.
« Devenir et être femme représentent une acquisition qui se réalise par étapes. Et une mère qui souligne la beauté de sa fille la prépare en tant que femme à recourir à cet attribut pour la consolidation de son identité féminine. »
Partager sa mère
Que ce soit avec un nouvel arrivant dans la fratrie, d’un nouveau beau-père, d’un amant de passage ou d’un nouveau métier, toute nouvelle cible dans l’expression de l’amour maternel modifie le lien fusionnel qui existait entre une mère et sa fille. Le sevrage, vécu après avoir tété au sein de sa mère, efface l’illusion de plénitude que le bébé croyait éternel. L’anorexie, qui touche généralement plus les filles que les garçons, exprime que le manque de nourriture pourrait être comblé par un espace d’où un nouveau désir pourrait surgir chez la mère.
« C’est en surmontant le besoin initial de recevoir tout l‘amour du monde de sa mère, ce qui ne serait pas bénéfique, et en se satisfaisant d’un amour suffisant… que la fille s’arme pour la vie. »
S’approprier sa fille
La mère peut rechercher une sorte d’épanouissement à travers sa fille. L’amour des parents serait vu comme « aimer ce que l’on est, ce qu’on a été, ce qu’on voudrait être ». Il faut donc que les encouragements maternels dérivent d’un désir authentique de la voir s’épanouir, même si l’amour maternel n’est pas toujours inconditionnel. Aussi manque d’amour ou excès d’amour sont tout aussi néfastes pour l’avenir d’une fille, la prise en compte de sa féminité, l’appropriation de son corps et pour la nouvelle place qu’elle trouvera au sein de sa famille. Rendre libre sa fille, c’est lui montrer son amour même si c’est la perdre un peu. Établir une distance, imposer des limites, accepter une tierce personne dans la relation, le père par exemple, les féministes ont donné une nouvelle image des mères et de leur rôle.
L’écrivaine Nancy Huston dont l’oeuvre est traversée de mères présentes ou transparentes et qui a souffert du départ et de l’abandon de la sienne pour suivre des études en laissant ses enfants à la garde du père, conclut avec cette affirmation que je partage : « On reste enfant toute sa vie, c’est tout ce qu’il faut savoir. Seuls les gens normaux refoulent cette dimension, mettent un couvercle dessus qu’ils espèrent étanche. Les premières impressions et déconvenues demeurent. »
Vicky Sommet
« Devenir femme de mère en fille » de Malvine Zalcberg aux éditions Albin Michel (mai 2019)
« Qu’est-ce qu’une fille attend de sa mère » de Malvine Zalcberg aux éditions Odile Jacob (avril 2010)