Dimanche, c’est la Fête des mères ! En ce jour symbolique, quelques histoires de couples mythiques mère-fils. Aimante ou toxique, protectrice ou inspirante, l’ombre maternelle plane.
♦ Mina Owczyńska et Romain Gary
par Michèle Robach
Sartre avait son grand-père maternel, Camus son instituteur, Romain Gary doit tout à sa mère. Il sera le seul homme dans sa vie et ignorera presque tout de son géniteur si ce n’est qu’il est mort en camps de concentration. Elle sera la valeur structurante pour le jeune Romain. Prédit par elle aviateur, prix littéraire et ambassadeur de France, il deviendra effectivement tout cela. C’est elle, la véritable muse exterminatrice qui va condamner son fils à l’incapacité de trouver un amour aussi fort, aussi puissant, aussi grand que son amour de mère. Il l’avoue : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. » Gary sera habité par sa mère jusqu’à son suicide, comme Momo dans « La Vie devant soi » qui déclare « c’est comme si j’avais un habitant en moi ».
♦ Aliénor d’Aquitaine (1122-1204) et Richard Cœur de Lion (1157-1199)
par Marie-Hélène Cossé
Deux fois reine (de France avec Louis VII et d’Angleterre avec Henri II de Plantagenêt), mère de 10 enfants dont trois rois, ambitieuse, intelligente, cultivée et séductrice, Aliénor a bouleversé le paysage féminin de l’époque en tenant un rôle important dans les affaires publiques. Enfermée en prison par Henri II pendant 16 ans, elle en est libérée par son fils préféré Richard, devenu roi d’Angleterre. Brutal et coléreux, il est pris en main par sa mère. Elle assure la régence pendant qu’il part en croisades. Âgée de 68 ans, elle réalise un long et périlleux voyage lors d’une croisade pour le rejoindre en Sicile. Elle se démène enfin corps et âme pour le libérer de captivité à son retour de croisade et le ramener sain et sauf en Angleterre. Il meurt quatre ans plus tard, sa mère a 77 ans. Après une vie bien mouvementée (elle survécut à huit de ses enfants et à ses deux maris), Aliénor se retire à l’Abbaye de Fontevraud où elle meurt à 82 ans. Elle y est enterrée aux côtés de son mari, de Richard et de sa belle-fille femme de Jean sans Terre. On peut aujourd’hui y admirer leurs quatre gisants polychromes.
Biographie d’Aliénor par Régine Pernoud : Aliénor d’Aquitaine
♦ Ma Barker et Herman, Lloyd, Arthur et Fred
par Christine Fleurot
Quelle est la mère célèbre qui puisse se targuer d’avoir inspiré une chanson de Boney M, une Bd de Lucky Luke, des films et une série ? Arizona Donnie Clark Barker, surnommée Kate « Ma » fut pour certains une mère ultra-protectrice de quatre fils tombés dès leur plus jeune âge dans la délinquance, pour d’autres elle incarna le cerveau d’une organisation criminelle familiale des années 20/30 aux États-Unis. Pleureuse aux portes du pénitencier pour libérer sa progéniture ou cerveau de rapts sanglants ? Intendante innocente assurant les arrières de sa marmaille ou aiguillon maléfique la poussant à gravir les marches du crime ? Historiens et FBI divergent. Ce dernier assura avoir abattu Ma Barker lors d’une fusillade ainsi que son fils Fred (1935). Lui avait le corps criblé de balles, elle ne portait qu’un seul et unique impact. Le mystère demeure.
♦ Suzanne Valadon et Maurice Utrillo
par Vicky Sommet
Blanchisseuse, Suzanne Valadon devient acrobate de cirque mais une chute met fin à sa carrière. À Montmartre, elle devient le modèle de Toulouse-Lautrec, Puvis de Chavannes, Renoir ou van Gogh, apprend à peindre et se lance, avec pour modèle son fils, quand il accepte de tenir la pose. Elle connait le succès et pourvoira aux besoins de Maurice Valadon, qui prendra le nom de famille du peintre Miquel Utrillo, un de ses amants qui le reconnut. Mariée, Suzanne quitte son mari pour l’ami de son fils, le peintre André Utter, une union houleuse qui dura près de trente ans. Maurice fit plusieurs séjours à l’asile, sombra dans l’alcool et fut sauvé par l’art-thérapie qui révéla son génie. Mariée sur le tard, Suzanne continuera à gérer les finances du couple, le surveillera afin d’éviter sa rechute dans l’alcoolisme et le poussera à travailler jusqu’à sa mort, trois ans plus tard.
♦ Agrippine la Jeune (16-59) et son fils Néron
par Anne-Marie Chust
Agrippine, petite-fille d’Auguste¹, ne doit pas être jugée uniquement sur ses intrigues et sur ses crimes, les temps étaient difficiles et tragiques… Elle dût côtoyer les charmants Tibère, Caligula et Messaline et affronter toutes sortes d’épreuves. Elle mit toute sa vie au service de son ambition dévastatrice : voir son fils Néron (pas un doux luron non plus…) monter sur le trône impérial et elle s’y employât étape par étape : divorce du père de Néron, assassinat de son second époux, remariage avec son oncle l’empereur Claude² pourvu déjà d’un héritier légitime, Britannicus. Elle réussit à force de de ruses et de traîtrises à faire adopter son petit Néron par l’empereur Claude et elle finit bien sûr par assassiner ce dernier, obstacle à la réalisation de ses desseins funèbres. On dit d’ailleurs que, pas en reste, Néron s’est lui-même arrangé pour se débarrasser du légitime héritier Britannicus (révisez vos classiques³). Néron fut finalement intronisé en 54 et fit assassiner en 59 la tendre Agrippine, peut-être un poil trop autoritaire à son goût ? Il avait pourtant dit d’elle qu’elle était « la meilleure des mères »…
Au centurion qui vint la tuer un poignard à la main, Agrippine s’écria « Frappe au ventre qui a porté ce monstre », ce ventre qui avait conçu un fils dénaturé, Néron, qu’elle avait pourtant tellement aimé ?
¹Premier empereur romain (César ne l’a jamais été).
²Claude fit lui-même assassiner sa première épouse Messaline.
³Britannicus est une tragédie en cinq actes et en vers (1 768 alexandrins) de Jean Racine, représentée pour la première fois le 13 décembre 1669 à Paris.
♦Cali et sa mère pour toujours
par Anne-Claire Gagnon
Là, où souvent les mères absentes, manquantes, laissent des blessures à leurs filles qui deviennent des écorchées vives, chez les petits garçons devenus des hommes les cicatrices de leurs mères, à jamais vivantes car disparues trop vite, leur donnent une fragilité, une humanité souvent bouleversante. Le chanteur Cali a toujours le cœur incandescent de l’enfant dont la maman s’est endormie alors qu’il n’avait que six ans. Et dont il écrit : « Mais la page est pleine de ton visage, même si tu es morte, dans une boîte, même si c’est fini. Dans trente, quarante, cent ans, vieux, ridé, tu seras là pour moi, toute proche. Je te câlinerai, tu me parleras, tu continueras de me parler, avec ce sourire qui donne une lumière pleine à ton visage. Pour encore, toujours, et à jamais. La mort n’existe pas. »