Petite, j’ai survolé les aéroplanes des années 1900, la mer rouge d’Henry de Monfreid, les aventures de Paul-Émile Victor, je voulais rejoindre la Calypso en tant qu’océanographe… Cette année m’a emmenée au bout d’un de mes rêves, une parenthèse de trois semaines, coupée de mon monde, pour approcher l’Everest.
S’adapter à l’environnement sans le défier
Dès l’arrivée au Népal, je plonge dans le récit de Sir Edmund Hilary sur la première ascension réussie en 1953, accompagné de son guide Sherpa Norgay Tenzing. Quelle force pour viser haut, préparer, monter, redescendre, renoncer, se surpasser, s’entraider en adaptant son corps et son esprit aux conditions hostiles de l’altitude et du froid. La moindre tourista, tendinite, perte d’appétit ou blessure à suturer prend des proportions complexes. En montagne, comme en mer, l’acclimatation est primordiale pour anticiper maux et complications. Nos accompagnateurs sont bardés de diplômes et certifications. Ils nous abreuvent de conseils pour anticiper les risques car nous visons les 5 400 m du Gokyo Peak. L’efficacité du dispositif est totale, puisque notre guide français sera rapatrié en hélicoptère. La fin du voyage se terminera avec nos admirables sherpas et jeunes porteurs népalais…
La notion du « temps népalais »
De Katmandou, nous roulons vers notre démarrage de Trek, Paplu. Deux heures de pluies diluviennes ont déversé des torrents de boue sur notre piste. Voiture embourbée, route bloquée. Il faudra deux jours, pour un trajet habituel de quelques heures. Nous prenons conscience du « temps népalais ». Les habitants ici n’ont souvent pas grand-chose, mais vous l’offrent, sourient à la vie, avec tolérance à tout changement au lieu de batailler… En dormant chez l’habitant, nous découvrons les joies des sanitaires locaux, ils vont s’avérer rudimentaires à mesure de la montée en altitude… Nous européens, avons encore beaucoup à apprendre !
Quand l’émotion submerge
Je marche depuis 10 jours. Les guides coordonnent un rythme lent pour accompagner la montée en altitude. Mon groupe de marcheurs est en visu ; plus bas nous croisions des colonnes de mules sur des chemins étroits ; maintenant des yacks et toujours des porteurs surchargés et pressés. La gorge me serre à 4 900 m. Serait-ce les jambes qui fatiguent ? Le cœur qui s’emballe ? Une barre qui serre la tête ? La responsable est tout simplement la montagne saisissante. Ses sommets enneigés au soleil, et face à nous, son Sagarmatha, Everest en sanscrit. J’ai beau tenter de maîtriser le ressenti du ventre qui se contracte, les larmes montent. L’endroit me « prend aux tripes ».
Et amène à la pleine conscience
La beauté qui déchire le paysage ravive la chance d’être là, de tutoyer le toit du monde. Je suis scotchée par ce sommet rond. Ce n’est pas le plus beau, mais il trône sur deux mille kilomètres de sommets himalayens, avec sa couronne de nuages, ses 8 848 mètres. J’échange de tendres pensées avec mon grand-père, grand marcheur qui n’est jamais venu jusqu’à l’Everest, mais en a rêvé…
Parmi nous l’un voulait « se centrer » pour l’écriture d’un prochain livre, pour un autre l’ascension était le challenge sportif de l’année, pour le dernier l’idée était de « naviguer » entre le bouddhisme et l’hindouisme, avec le détachement pour le premier et la vie associée au monde actuel pour le second. De mon côté je cherchais l’intensité de la nature pour toucher l’intériorité. À chacun son rêve, pourvu qu’il émerge du plus profond de nous !
Sandra Blanc Mesnel
Dreamaker
On n’a qu’une vie !
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