Pour que la honte change de camp

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Impressionnante de dignité et de calme, Camille Kouchner, invitée exceptionnelle de François Busnel, est venue sur le plateau de La Grande Librairie¹ parler de son livre confession² sorti quelques jours plus tôt, déclencheur de ce qui est devenu en quelques jours « l’affaire Duhamel ». Un récit glaçant, racontant à la fois l’insouciance enfantine, l’admiration pour des adultes solaires -sa mère, Evelyne Pisier, sa tante Marie-France et leur mère, un trio fusionnel, son beau-père, un homme en vue, rayonnant, à l’emprise forte-, la confusion des sentiments des enfants sous l’ascendant des adultes, la sidération que provoque chez Camille Kouchner la révélation des faits par son frère jumeau lorsqu’ils ont 14 ans, le silence qu’il lui demande de garder. Lorsqu’en 2008 Evelyne Pisier est enfin informée par sa fille des faits d’inceste commis sur son frère jumeau par son beau-père, celle-ci prend la défense de son mari sans jamais briser le silence. Il faut attendre la mort d’Evelyne en 2017 et l’envie de sa fille de desserrer l’emprise de l’hydre de la culpabilité qui lui enserre le cou pour que la parole se libère. Une bombe dans le milieu des enfants de Saint-Germain-des-Prés, victimes de la libération sexuelle des années 70/80 qui a fait confondre à leurs parents liberté et crime.

Le travail d’écriture permet de rendre visible ce qui est invisible, d’appeler les choses par leur nom, de déplacer le seuil de tolérance de notre société, pour que la honte change de camp. En une semaine, des milliers de témoignages ont été partagés avec le # Metooinceste. Merci Camille pour votre courage, salutaire pour tant d’enfants victimes du fléau de l’inceste, tellement plus répandu³ qu’on ne croit dans nos familles. La mienne n’a pas été à l’abri.

Marie-Hélène Cossé

¹Plateau de La Grande Librairie, mercredi 13 janvier.
²La familia grande de Camille Kouchner (Éditions du Seuil, 7 janvier 2021).

³Les chiffres cités pendant l’émission par Muriel Salmona*

Ce sont 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 qui subissent des violences sexuelles dans l’enfance pour la moitié incestueuses. 135 000 viols ou tentatives de viol ont lieu chaque année sur des filles, 35 000 sur des garçons. 81% des abus sexuels sont perpétrés avant 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans. Moins de 1% des pédocriminels sont jugés.
*Présidente de l’Association Mémoire traumatique et victimologie.

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