Accompagner les patients gravement malades en leur offrant de raconter leur vie, c’est ce que propose Valéria Milewski. Après avoir écrit pour le théâtre, l’écrivain a l’idée de faire de la biographie hospitalière et intègre en 2007 le service cancérologie de l’hôpital Louis Pasteur de Chartres pour écrire les récits de personnes en fin de vie et fonde l’association Passeur de mots, Passeur d’histoires©.
« J’ai eu cette intuition: se raconter, se déposer, se ressaisir par l’écriture pouvait alléger les derniers moments, et permettre aux personnes de ne pas perdre le fil de leur humanité. »
De quoi s’agit-il ? D’un libre choix des malades qui, à leur demande ou sur proposition d’un membre de l’équipe, décident de faire le récit de leur histoire et de recevoir gratuitement leur Livre de Vie. Ces personnes, hospitalisées ou en soins ambulatoires, ne sont plus en situation curative. Le récit chronologique prend racine aux grands-parents et dure en moyenne de 6 à 7 séances (50 a été le maximum à ce jour !) de 15 minutes à une heure environ avec prise de notes par le biographe formé à l’écoute et à l’accompagnement. Après les entretiens vient le travail de retranscription, puis le manuscrit est alors remis au patient qui va pouvoir le corriger, choisir des photos, s’il le souhaite. Vient ensuite la mise en page par un graphiste et le relieur crée un très beau livre personnalisé en un à deux exemplaires qui se termine toujours par une vingtaine de pages blanches…
Comment ? Séance après séance, la biographe aide ceux qu’elle accompagne à mettre de l’ordre dans le puzzle de leur vie. Il faut à la fois être à l’écoute, mais conduire les entretiens sans trop induire, savoir rester en retrait, retranscrire en restant le plus fidèle possible à celui qui vous confie sa vie. Il arrive souvent que les personnes meurent avant d’avoir pu transmettre à leurs proches. À ce moment-là, le récit est remis au destinataire désigné par le biographe. En huit ans, Valéria Milewski a conduit un peu plus de 100 accompagnements.
Quels sont les bienfaits ?
– Le patient : on se demande souvent au seuil de la mort ce qu’on a fait de sa vie ou, pour certains qui ont l’ont bien conduite, il y a ce souhait de préparer leur départ et de laisser des mots. Pour d’autres, il s’agit de trouver un sens en dehors de l’histoire médicale, transmettre une mémoire familiale, s’investir dans un projet qui peut chasser le désir d’en finir ou éloigner la solitude.
– Les proches : on regrette souvent que nos parents disparaissent sans avoir pu nous transmettre leur histoire. Cela permet aussi de se recentrer sur les liens familiaux, s’associer au projet, rallier la mémoire familiale et en recevoir une trace.
– Les soignants : on s’inscrit ici dans une lignée humaniste de la médecine, on met la question du sens au cœur de la pratique quotidienne, on garde un espace de liberté et de créativité…
– La société : on intègre la mort dans le processus de la vie, on restaure le tissu des générations.
Comment devenir « passeur de mots » ? Valéria Milewski a déjà formé des biographes qui exercent dans d’autres hôpitaux en France et donne aussi des conférences en France et à l’étranger pour expliquer sa méthode. Pour devenir « passeur de mots », il est nécessaire d’être biographe et d’avoir une formation en soins palliatifs, d’avoir rédigé un projet et puis bien sûr de s’être interrogé sur ses propres motivations.
Et demain ? Ce soin, pilote en France, est transposable à d’autres lieux et d’autres pathologies chroniques. Il existe aussi de manière différente dans les maisons de retraite où des personnes âgées attendent la mort certaines résignées, d’autres dans une très grande solitude. Pour que le malade reste toujours un individu unique et singulier, pourquoi ne pas panser les maux avec des mots. À quand la réalisation ?
Marie-Hélène Cossé
L’association Passeur de mots passeur d’histoires a reçu le soutien de la Fondation F. Braun et de la Fondation MACSF
vmilewski@ch-chartres.fr
Récits de soi face à la maladie grave co-écrit par Valéria Milewski (2014, Ed. Lambert-Lucas)
Livre grand public à paraître en 2016 sous le titre A demain