Les sœurs Mitford : belles, extravagantes & spirituelles

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Quel incroyable destin ces sœurs ! Elles sont six (et un garçon, Thomas, que venait-il faire dans cette galère ?). La famille Mitford appartient à l’aristocratie britannique, des racines qui remontent à Guillaume Le Conquérant, et leur biographie se confond avec l’histoire du XXème siècle. 

« Plus folles les unes que les autres »

Elles portaient toutes le titre d’« Honorable » (pour deux d’entre elles, elles ne l’ont pas vraiment été, sans mauvais jeux de mots). On cite souvent le jugement lapidaire de leur père, Lord Redesdale sur sa progéniture : « Je suis normal, ma femme est normale, mais mes filles sont toutes plus folles les unes que les autres. » Nous nous sommes laissés dire que lui et sa femme n’étaient pas si « normaux » que cela, les filles ne sont jamais allées à l’école, ont été éduquées en  vase clos de « country house » en « country house » et, dans le livre de leur fille Jessica, « Rebelles honorables », l’atmosphère familiale est décrite comme aussi excentrique qu’étouffante.

Les paradoxales Diana et Jessica

Pour en revenir à nos sœurs : voici Nancy, francophile, écrivaine reconnue à la plume ironique et parfois cruelle, puis Munda et Deborah, aux destins plus conformes à leurs origines familiales avec beaux mariages, courses à Ascot et jardins anglais, et comment oublier Unity, fascinée par l’Allemagne nazie jusqu’à devenir proche d’Hitler, et commettre une tentative de suicide à la déclaration de la guerre, qui la laissera handicapée à vie (elle mourra neuf ans plus tard). Puis, et l’histoire devient encore plus intéressante, la très belle Diana et la jolie Jessica.

©Par Auteur inconnu — http://i.telegraph.co.uk/multimedia/archive/03051/mitford-family_3051013k.jpg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=65679751Diana qui s’exile en Allemagne pour se marier avec le chef des fascistes anglais, Sir Oswald Mosley (de sinistre mémoire), en présence d’Hitler, à qui elle voue un véritable culte, jusqu’à réunir des fonds pour financer les « Chemises noires » britanniques. À son retour en Angleterre, elle passera trois années en prison (dénoncée par Nancy…), elle mourra quand même à 93 ans en France après une retraite dorée (très liée à la Duchesse de Windsor qui eut les mêmes engagements qu’elle).

Et enfin, Jessica¹, qui s’enthousiasme pour la République espagnole et combattra à Madrid avec son premier mari (neveu de Churchill), vivra dans le East End de Londres dans des conditions extrêmement précaires pour défendre ses idéaux sociaux. Elle partira aux Etats-Unis où elle adhèrera au parti communiste américain qu’elle finira par quitter quelques années plus tard en désaccord avec son « emprunte » stalinienne. Elle épouse en secondes noces, Robert Treuhaft, avocat engagé, défenseur des droits civiques, combat qu’elle soutiendra toute sa vie, jusqu’à être menacée physiquement par le KKK. Devenue une journaliste d’investigation et une écrivaine de renom, elle fera même engager une enquête du congrès américain au sujet de l’un de ses livres les plus connus « American way of death » qui décrit les pratiques sans scrupules de l’industrie funéraire aux États-Unis.

Ces six sœurs sont à la fois belles, extravagantes et spirituelles, le parcours de Diana et Jessica est sûrement révélateur de douleurs familiales et d’un XXe siècle fait d’ombre et de lumière. Permettez-moi de préférer Jessica à Diana. À sa mort en 1996, Herb Caen, un journaliste  du San Francisco Chronicle, écrit : « En cette ère étrangement plate de la diversité, elle était le plus rare des oiseaux, une créature exotique qui se levait chaque matin pour devenir le soleil autour duquel des milliers de vies tournaient. »

Anne-Marie Chust

©LesSoeursMitford¹JK Rawling, admirateur de Jessica, écrivait : « L’écrivain qui m’a le plus influencée est sans aucun doute, Jessica Mitford. Quand ma grand-tante m’a donné Hons and Rebels à 14 ans, elle est immédiatement devenue mon héroïne. Elle s’est enfuie de chez elle pour combattre pendant la guerre civile espagnole, emmenant avec elle un appareil photo qu’elle a fait facturer à son père. J’aurais aimé avoir le culot de faire quelque chose comme ça. J’aime la façon dont elle a conservé ses idéaux politiques d’adolescente – elle était une socialiste autodidacte – tout au long de sa vie. Je crois que j’ai lu tout ce qu’elle a écrit, j’ai même appelé ma fille Jessica d’après elle. »

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