Véronique Vieljeux ou la tricothérapie

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Si l’image désuète du tricot peut effrayer, il est pourtant aujourd’hui reconnu qu’il participe, comme toute activité manuelle basée sur la répétition des gestes, à apaiser douleurs et angoisses. Véronique Vieljeux nous confie ici son aventure, bien décidée à dépoussiérer une pratique ancestrale dont les vertus thérapeutiques¹ sont comparées à celles du yoga ou du mandala.

Un parcours italien

Née dans une famille de cinq frères, pétrie d’admiration pour son père, « même si c’est compliqué d’être à la hauteur », Véronique quitte le nid familial dès son bac en poche et passe le concours pour entrer à Camondo où elle est reçue contre l’avis de tous : « Je l’ai fait car mon père aurait rêvé d’être ébéniste, c’était un challenge pour moi ! ». Elle décide cependant au bout de trois ans que ce n’est pas sa voie et se met à travailler avant de se marier avec un ingénieur qui l’emmène vivre en Italie où elle ouvre à Bergame la première franchise Jacadi une fois le dernier de ses trois enfants rentré en classe. C’est un grand succès pendant plusieurs années, mais quand Jacadi fait faillite, elle perd tout… Véronique décide alors de rentrer en France en 2008 et de créer un concept de distribution exclusive de laines et cotons italiens de haute qualité… autour d’une tasse de thé.

Tricot inclusif

Véronique déniche une boutique dans le 11e, arrondissement dont elle aime la diversité, juste derrière l’Hôpital Saint-Louis, et ça marche ! De nombreux visiteurs s’arrêtent et poussent la porte de Caf’é Tricot Studio : des juniors, des seniors, des étrangers, ceux et celles qui aiment le tricot, ceux et celles se rendant à l’hôpital, mais aussi ceux et celles qui se sentent seuls et viennent tricoter autour d’une tasse de thé en papotant dans cet endroit chaleureux et coloré (950 couleurs de laine et coton différentes !) où toutes les barrières de langues, religions ou nationalités tombent.

« Pendant qu’on tricote, on ne se pose pas de questions et pourtant on entend la douleur des autres dans leur façon de tricoter… »

La presse en parle, sa réputation se forge et le monde afflue six ans durant : cours individuels ou collectifs de tricot pour tous les niveaux, parfois même avec intervention des participants (conférence sur la bipolarité, témoignage d’une femme flic, concert…). Puisque ses modèles sont appréciés, Véronique crée un site de vente sur Internet très bien fait et poste ses cours en vidéo sur YouTube.

Les hommes et le tricot

Il n’y a pas que les femmes qui tricotent. 30% d’hommes s’y adonnent ! « Les hommes tricotent en général des modèles plus compliqués que les femmes. Souvent ils entrent dans la boutique en prétextant que leur compagne cherche du fil ou de la laine, puis très vite posent des questions très précises qui montrent qu’ils s’y connaissent. », nous dit Véronique.

« On peut lire facilement sur une création la personnalité de l’auteur. On connait ses états d’âme, ses maux, ses angoisses mais aussi tout le côté positif. »

Tricot solidaire

Hélas, si on tricote bien de septembre à mars, le loyer devient lourd pendant les mois chauds… Véronique décide alors de fermer boutique le temps de mieux peaufiner ce beau concept. Elle découvre aussi que le tricot peut devenir un concept non seulement inclusif mais solidaire et crée en avril 2015 l’association Le Fil et la Main afin de pouvoir donner des cours à ceux qui ne peuvent pas venir à elle : les personnes défavorisées par la précarité financière ou l’exil, le handicap, la maladie ou la détention (elle anime par exemple un cours de 2h30 une fois par semaine à la prison des femmes de Fresnes : « Les élèves sont différentes depuis leurs premiers cours, plus sereines et souriantes, elles attendent toutes le cours suivant, elles sont fières de leurs travaux qu’elles envoient à leurs enfants restés dans des familles d’accueil, un cadeau qui demande des journées entières en ne pensant qu’à eux… »).

Aujourd’hui

Il est temps de reprendre les rênes et Véronique est à la recherche d’un nouveau lieu de rencontre à ouvrir dans le 11e ou le 12e arrondissement où Caf’é Tricot Studio aux côtés du Fil à la Main pourraient créer un réel espace de partage, continuer les cours et rémunérer leurs enseignants. En les aidant à trouver ce nouveau local ou bien en faisant un don déductible au Fil à la Main, nous pourrions faire un beau geste de solidarité et pourquoi pas apprendre ou ré-apprendre à tricoter. On y va ?

Marie-Hélène Cossé

¹Plusieurs études scientifiques le prouvent comme La Harvard Medical School, l’American Academy of Neurology, l’University of Pittsburg et tant d’autres. La pratique est très en vogue aux États-Unis avec notamment le site Ravelry. 

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