1914, les hommes partis pour la guerre, les Parisiennes doivent s’inventer une nouvelle vie. À l’image de Colette qui accueillera ses amies dans son chalet où, ensemble, elles partageront insoumission et fortes personnalités.
Paris, une ville majoritairement féminine
Pour celles qui sont restées, la vie à Paris souligne leur inexpérience au quotidien. Pas de maître, de serviteur, de chauffeur, mais un air de liberté qui flotte dans l’air, une liberté dont elles ne savent que faire. Très vite, la vie s’organise, sans discipline, sans horaires et Colette ne jouera pas à la maîtresse de maison avec Musidora, la vamp du cinéma, Marguerite Moreno, la comédienne et Annie de Pène, la chroniqueuse, mais sera la quatrième de ce quatuor original. Cette escouade de femmes se partage les tâches ménagères, dans ce 16ème arrondissement de Paris où les domestiques ont disparu. Elles portent les cheveux courts, fument, ont retiré leur corset et s’habillent parfois en pantalon. Mais ces dames travaillent, ce qui est rare pour l’époque.
La guerre a changé l’ordre des choses
Les studios sont fermés, les théâtres à l’arrêt et les journaux travaillent au ralenti. Et elles attendent le retour du Pacha au harem car elles ont toutes une vie amoureuse fort bien remplie où époux et amants se sont succédés. Colette a eu trois maris mais c’est Henry de Jouvenel, le journaliste, qu’elle préfère. Annie de Pène vit aussi avec un journaliste de renom, Gustave Téry, surnommé « Le Général ». Musidora n’a elle ni enfants, ni mari, mais un amoureux dont elle se laisse paresseusement aimer. Quant à Marguerite Moreno, son mari malade ne sera pas engagé et il ira soigner à Dax son asthme avec Sacha Guitry qui souffre de rhumatismes. Ainsi, le phalanstère féminin peut s’exprimer pleinement, les hommes n’étant que des fantômes lointains.
La vie au féminin
Elles partagent leurs secrets, leurs mères à forte personnalité, les enfants éloignés, échangent des recettes de cuisine et de maquillage, aiment la nature et les animaux, et s’aiment d’amour ou d’amitié. Mais la nostalgie les rattrape et la guerre ne finit toujours pas. Elles suivent sur des cartes géantes les avancées de l’armée jusqu’à ce que l’inquiétude gagne les Parisiennes, les Allemands s’approchent. Musi partira la première à Marseille où le cinéma l’appelle et deviendra « marraine de guerre » pour les poilus. Marguerite ira rejoindre à Nice son mari, mais ses espoirs de jouer n’étant pas confirmés, elle sera infirmière à l’hôpital installé dans l’Hôtel Majestic. Annie se console dans son travail et deviendra une des premières femmes reporters de guerre. Colette, qui elle se savait plus utile au journal qu’à l’hôpital, partira pour Verdun rejoindre son grand amour, Henry de Jouvenel. Et, jusqu’à la fin de leur vie, cette amitié perdurera et nous, en tant que lectrices, sommes un peu jalouses de cet attachement qui les unira, plus fort que leur vie dissolue, leurs amours débridées et la reconnaissance des publics qui les ont admirées.
Vicky Sommet
Colette et les siennes de Dominique Bona (Éditions Grasset, mars2017, 432 p., €22)