Quand Poissy, à 30 kilomètres de Paris, était lieu de villégiature…, Pierre et Eugénie Savoye, parisiens, s’y firent construire en 1928 une villa par Le Corbusier qui déclinera sa grammaire architecturale toute en légèreté et ingéniosité. Cette Villa Savoye ou « villa blanche », comme en lévitation sur sa pelouse, reste aujourd’hui une référence mondiale de l’architecture du Mouvement moderne.
La notion de villégiature
Si le besoin d’échapper à la vie urbaine s’est manifesté de tout temps, l’arrivée de l’automobile et du chemin de fer a favorisé la naissance de projets architecturaux non seulement en bord de mer mais en campagne proche de la capitale, particulièrement à l’ouest. Réservée généralement aux familles aristocratiques, cette pratique d’escapade attira vite les familles bourgeoises et de riches industriels soucieux de garder un œil pas trop lointain sur leurs activités économiques. La Villa Savoye, lieu de week-end pour recevoir et se détendre, s’inscrit totalement dans cette intention.
« Les Heures Claires »
Est-ce-en souvenir de l’œuvre poétique de Verhaeren que les époux Savoye baptisèrent ainsi leur villa ? Nulle trace d’explication littéraire. Pierre, issu d’une famille bourgeoise du Nord, réussit dans le courtage en assurances. Eugénie, son épouse, est une femme sportive pratiquant golf et natation. C’est elle, dit-on, qui commandita auprès de Le Corbusier « une maison confortable et lumineuse ». C’est elle aussi qui s’adressera directement à lui lorsque des vices de construction, en particulier d’étanchéité, se révéleront. Moderne, Madame Savoye est aussi conductrice d’automobile, machine au cœur de la conception de ce projet.
Une promenade architecturale
Le Corbusier, grâce à sa construction sur pilotis, permet la circulation fluide de véhicules tout autour de la maison, évitant ainsi toute manœuvre hasardeuse et offrant la capacité d’en garer trois. Sa volonté est de séparer strictement les fonctions : habiter, travailler, se distraire. Une rampe de linoléum gris conduit à l’étage vers les espaces de vie, un escalier tournant, lui, descend vers les espaces de services. Le lumineux séjour entièrement vitré s’ouvre sur la terrasse. Les murs du jardin suspendu « cadrent » la nature environnante tandis que le solarium abrité du vent focalise le regard vers la vallée de la Seine. Dans les chambres, tablettes, placards aux portes coulissantes sont intégrés. À l’exception de la mise en scène théâtrale de la salle de bain, l’ensemble reste fonctionnel, dépouillé de toute fioriture.
« Cette boîte en l’air », « cette boîte sur des échasses », « cette machine à habiter » qui a retrouvé de sa superbe, mais pas ses meubles, après plusieurs restaurations, bouleverse tous les codes architecturaux. Sans devant, sans derrière, la Villa Savoye mérite à ce qu’on pousse sa porte !
Christine Fleurot
La Villa Savoye, 82, rue de Villiers, 78300 Poissy, tous les jours sauf lundi de 10h00 à 18h00
À lire : Les heures claires de la Villa Savoye de Jean-Philippe Delhomme et Jean-Marc Savoye – À voir : Vidéo en 3 D
Les 5 points de l ‘Architecture nouvelle de Le CorbusierLes pilotis, les toits-jardins, le plan libre, la façade libre, la fenêtre en longueur