C’est un protocole qui permet de faire écouter de la musique à des personnes malades, démentes ou autistes. Claire Oppert, violoncelliste, sait que la musique adoucit les mœurs et, avec son instrument, elle partage son art pour apporter de la poésie à des personnes en fin de vie.
Musique au chevet
En visitant un EHPAD, Claire, à l’étage des résidents déments, assiste aux difficultés rencontrées par des infirmières pour refaire un pansement à une personne agitée. Elle s’assied sans un mot et joue l’Andante du Trio de Schubert. La patiente se calme, le pansement se fait et l’infirmière lui lance « Il faudra absolument revenir pour le pansement Schubert ! ». Cette confrontation inédite la convainc que la musique soulage la douleur et, un an plus tard, elle met au point ce protocole sur une centaine de patients en fin de vie dans une unité de soins palliatifs. Le médecin dira : « 10 minutes de Schubert = 5mg d’Oxynorm. »
Un appel à la vie
C’est ce que disait son père, médecin-artiste qui jouait du piano et, très fièr de sa fille musicienne, l’emmenait déjà toute jeune au concert en tant que médecin de service dans les théâtres parisiens. À l’âge de huit ans, Claire a le coup de foudre pour le violoncelle et c’est lors de son premier concert à 14 ans qu’elle comprend de manière intuitive que la musique peut guérir. Ce sont les paroles d’Howard Buten dans un colloque Art et Médecine qui la confrontera à l’autisme « L’autisme ?… On n’en sait rien ». Elle le rencontre alors dans la loge du Clown Buffo, Howard lui-même, pour lui demander « Pourrait-on travailler ensemble ? ».
Le « prendre soin »
Paul pose sa joue sur la table du violoncelle, Dilan comble son absence de langage en réclamant Chostakovitch, Madame Beaurivage fait chanter les résidentes aux voix éraillées, chevrotantes ou bégayantes l’Ave Maria de Gounod, Madame Vaillant revit sa vie au son de La Valse de l’Empereur de Strauss. Ils et elles ont retrouvé leur dignité grâce à la musique. De son apprentissage difficile à Moscou à ses relations avec les grands musiciens russes, elle comprend qu’on ne peut enseigner sans amour et se sent prête à mourir si elle n’atteint pas son idéal de perfection. Elle étudie l’Art-Thérapie, passe un diplôme universitaire et essaiera de modéliser le lien entre l’être humain et l’art. Viendront Bach, Mozart, mais aussi Piaf, Cloclo, Sardou, des chants juifs, arabes, africains, du folklore breton, du flamenco et, 112 pansements Schubert plus tard, Claire démontre une diminution des douleurs de 10 à 50%, les effets positifs sur les patients à 90% et sur les soignants à 100%.
Entre les vibrations de l’instrument et les vibrations profondes de l’être, la musique est un véritable moteur du soin. Monsieur Koumba, ancien champion de boxe paralysé qui ne bouge plus que ses mains dit à Claire : « Quand vous jouez, je ne suis plus malade, je sens en moi la joie et la vie ! »
Vicky Sommet
« Le pansement Schubert » de Claire Oppert aux éditions Denoël (en format Poche depuis le 6 février).