Des dizaines de livres lui sont consacrés, biographies ou encore analyses sur les circonstances de sa mort. Il est difficile de cerner le personnage, entre le sex-symbol, l’alcoolique et la Marilyn férue de littérature amie de Truman Capote qui fut mariée à Arthur Miller. Une chose est certaine, la blonde¹ iconique est injustement passée pour plus superficielle qu’elle ne l’était en réalité.
La prison de l’apparence
Née dans une humble famille, élevée par une mère monoparentale, Marilyn quitte les études pour se marier et travailler dans une usine. Sa beauté et son charme la distinguent rapidement des autres filles et elle est remarquée par un photographe. L’ascension commence. Se rendant à Hollywood, elle multiplie les petits rôles et gravit doucement les échelons. Son corps, elle le sait, représente son principal atout. La séduction lui a permis de sortir de la pauvreté et, durant toute sa carrière, lui permettra d’obtenir des avantages professionnels. Mais au fur et à mesure, ce choix délibéré de séduire s’est transformé insidieusement en un choix pratiqué sous la contrainte. Son être s’est confondu avec son image de jolie blonde facile. Elle sera libre de disposer de son propre corps, en ce sens elle est une femme moderne, mais à l’intérieur d’une prison : la séduction. Le producteur Johnson Nunally ne peut être plus clair : « pour Marilyn, l’acte sexuel était une façon de dire merci ! »
Un univers éclaté
En 1955, Marilyn veut s’éloigner de son image glamour et rejoindre le monde des intellectuels. Elle s’inscrit à l’école d’art dramatique, Actors Studio, dirigée par Lee Strasberg qui collectionne les livres et conseille à ses élèves la psychanalyse. Puis elle épouse Arthur Miller. Dans le recueil Fragments², les poèmes, extraits de textes intimes et lettres, rassemblés par la famille Strasberg, ayants-droit de Marilyn, montrent son goût pour la poésie et la littérature³. Le biographe Michel Schneider relate qu’elle lisait Kafka, Dostoïevski, Rilke ou Joyce et que L’interprétation des rêves de Freud a été pour elle une révélation. À New-York, elle côtoyait plus volontiers des écrivains (Truman Capote, Carson McCullers) que des acteurs. Marilyn est aussi une chanteuse qui adorait Ella Fitzgerald. Sa voix interpelle par sa candeur, sa naïveté, les intonations modulées et son art de susurrer les mots. Elle savait aussi capter la lumière et travaillait ses photos de façon perfectionniste. Les angoisses paralysantes qu’elle connaissait sur les plateaux de tournage s’évanouissaient littéralement durant les séances de photos.
La psychanalyse de trop
Le psychiatre et psychanalyste, Ralph Greenson a joué un rôle considérable à la fin de sa vie. Il la conseille pour ses problèmes de santé, a la main lourde dans la prescription de somnifères. Transgressant les règles élémentaires de la psychanalyse, il se prétend garant d’elle sur le plateau, s’occupe de ses démêlés épiques avec les réalisateurs et les maisons de production, tente même de l’insérer dans sa propre famille. Dans son ouvrage Marilyn, dernières séances (Prix Interallié 2006), Michel Schneider montre à quel point l’analyse avec ce spécialiste, pourtant réputé à Hollywood, a été un échec étant donné leur rapport de fascination réciproque, rapport où la mort a eu le dernier mot. Pourtant, elle aura eu des ressources, Marilyn, pour arriver, entre 1947 et 1962, date de sa mort à 36 ans, à enchaîner trente films en alternance avec des séries de photos, des enregistrements de chansons et de nombreuses rencontres publiques et privées.
Andy Warhol a commencé ses portraits de Marilyn après sa mort en 1962, images toutes semblables mais pourtant différentes à chaque fois. Avec cette œuvre, devenue icône du Pop art, le peintre offre à l’actrice son dernier rôle, qui fut le drame de sa vie répété à l’infini : être prisonnière de sa propre image.
Michèle Robach
¹Blonde, roman de Joyce Carol Oates paru aux États-Unis en 2000.
²Les éditions du Seuil publieront en octobre 2010 Fragments, des écrits inédits de Marilyn Monroe, qui s’étalent de 1943 à la veille de sa mort, en août 1962.
³Une célèbre photo volée la montre lisant Ulysse de Joyce.