Symbole de la féminité, condensé de sensualité, les cheveux ont un lien symbolique avec la vie des femmes. Ils peuvent être un marqueur social, une arme de séduction, de contestation, de répression. Quelques exemples illustrent le rapport de la chevelure avec la culture et l’histoire sociale.
Les cheveux, du symbole à l’action
Une tradition vieille de plusieurs milliers d’années voudrait que les femmes en Iran se coupent les cheveux lorsqu’elles sont en colère ou en deuil. Assiste-t-on à un deuil collectif face au destin tragique de la jeune femme kurde, Mahsa Amini, tuée par la police ou un défi ? Car dans la religion islamique, il est permis de se couper les cheveux, tant qu’il n’y a pas en cela une ressemblance avec les hommes. En revanche il est interdit de se raser la tête car la chevelure fait partie de la beauté de la femme. Alors que la révolte iranienne embrase la société et le monde entier, les femmes qui se coupent les cheveux ou se rasent le crâne, défient le pouvoir religieux dans un geste rebelle, qui se veut clairement celui d’une protestation politique. Elles expriment leur ras le bol face aux violences que suscite l’obligation de porter le voile et de cacher leurs cheveux. Femme, Vie, Liberté !
Femme, tes cheveux seront tondus
En 1944-45, les femmes accusées d’avoir couché avec les Allemands sont tondues publiquement. Du reportage de Sartre au film d’Alain Resnais, Hiroshima mon amour, l’épisode est inscrit dans l’imaginaire national. Cela s’est passé sur tout le territoire français, autant dans les grandes villes qu’en zone rurale, d’une façon spontanée à l’initiative d’acteurs mal identifiés (héros de la vieille, vrais résistants ?). Par la coupe des cheveux, mutilation symbolique, on règle les comptes à travers le corps des femmes en leur ôtant leur féminité. La violence s’exerce et la virilité des hommes est rétablie. Au consensus éphémère suivront la réprobation et la honte pour « ces actes de sadisme moyenâgeux et dégoutants », comme les décrit Jean-Paul Sartre. L’époque contemporaine offrira d’autres exemples de châtiments capillaires. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les déportés des camps de concentration sont tondus, par mesure d’hygiène diront les geôliers, mais l’acte est déshumanisant, surtout pour les femmes.
Cheveux courts, femmes subversives
En France, dans les années 20, la coupe de cheveux à la garçonne donne aux femmes une allure qui dépasse le simple phénomène de mode. Les femmes se donnent un look androgyne. Elles sont joyeuses mais inquiètent à cause du brouillage des identités sexuelles comme le rappelle l’historienne Christine Bard dans son essai Les garçonnes. C’est d’ailleurs dans les années 20 que la visibilité lesbienne devient éclatante. Hemingway proclame « Paris est une fête ». À cette époque, les excentricités vestimentaires des garçonnes et celle de leur apparence témoignent déjà des progrès du féminisme. La garçonne avec sa coupe au carré est érigée en symbole de l’émancipation. Un vent de liberté se lève après les privations de la guerre. Mais les cheveux courts vont entrainer une polémique sur la masculinisation des femmes, car elles ne correspondent pas à l’imaginaire fantasmé des hommes, pour les chevelures longues sensuelles et parfumées.
Cachés, tondus, coupés, déployés, beaucoup d’enjeux se cristallisent au sommet de la tête des femmes. Nos cheveux ont « de l’esprit » et ils rendent visibles nos émotions, ils sont une sorte de langage. S’ils apportent féminité et séduction, les femmes peuvent aussi en faire un symbole d’émancipation.
Michèle Robach