Certaines passions, comme la préservation et la restauration du patrimoine, transcendent les limites du temps. French Heritage Society (FHS)¹, association américaine à but non lucratif, en est une belle illustration. Ses membres américains, par leurs actions de restauration des trésors architecturaux français, en France et aux États-Unis, préservent un héritage culturel qui dépasse frontières et époques.
Une vision des traditions ambitieuse et inspirante
Visites, conférences, voyages, il faut entretenir la flamme de ces mécènes francophiles, amoureux de la langue, du paysage et du style de vie, pour qui la France est un morceau du patrimoine de l’humanité. FHS partage avec ses mécènes des propositions très exclusives auxquelles sont conviées des personnalités inspirantes. On peut citer l’organisation d’une réception à l’Hôtel Passart² construit au XVIIe siècle pour le notaire et secrétaire de Louis XIII et résidence privée de l’un des membres, le décorateur Juan Pablo Molyneux, véritable connaisseur du goût et de l’artisanat français, dont il promeut le savoir-faire et que beaucoup de New-Yorkais connaissent. Catherine Arminjon, Conservatrice générale du patrimoine a donné pour les mécènes une conférence dans la galerie de l’antiquaire Eric Coatalem³ sur le thème « Quand Louis XIV recevait les ambassadeurs du Siam à Versailles », une occasion de revenir sur le légendaire mobilier d’argent de Louis XIV4 qui vécut une vie éphémère entre 1661 et 1689 avant d’être intégralement fondu pour cause de guerre.
Cette année, le Cercle Interalliée accueillera pour le dîner des mécènes, deux invités d’honneur : Joseph Achkar et Michel Carrière qui ont restauré l’Hôtel de la Marine. Ces deux archéologues du grand siècle fous d’histoire, dont les noms ont valeur de sésame, pourront évoquer leurs chantiers en cours ou passés comme celui de leur résidence, l’ancien hôtel du duc de Gesvres, près du passage Choiseul à Paris.
Passionnée du patrimoine
Membre du conseil d’administration et responsable des projets de restauration, Isabelle de Laroullière a passé son enfance au Château du Creux5 dans le Bourbonnais. Elle reconnait « être née dedans » et a développé un attachement émotionnel et un sens du devoir envers cet héritage familial, source de fierté et legs à préserver pour les générations futures. Depuis son séjour aux États-Unis et un premier contact comme bénévole pour l’association « Friends of vieilles maisons françaises » qui deviendra FHS en 1982, elle s’emploie à la mise en valeur de trésors en péril, jouant à sa mesure un rôle précieux dans le maintien des liens avec ces amoureux des arts et des vieilles pierres. « Tout cela n’était pas calculé mais, après coup, je réalise à quel point d’avoir été élevée dans cet environnement m’a marquée. » Aujourd’hui, Isabelle contribue à maintenir debout des édifices témoins de l’histoire. Un heureux aboutissement de sa vie, par le maintien et le partage au plus grand nombre des ornements de nos paysages.
Une quinzaine de projets par an
Forteresses, manoirs, clochers, moulins, lavoirs, fontaines, les chantiers de restauration ne manquent pas de part et d’autre de l’Atlantique. FHS sélectionne une quinzaine de projets de restauration de bâtiments classés ou inscrits en France ou aux États-Unis, pour un montant total de 500 000 à 1 million de dollars par an. Sachant que tout dollar donné sera trouvé par ailleurs. Lorsque les donateurs américains s’engagent dans un projet de restauration, ils créent la confiance nécessaire à des levées de fonds supplémentaires (notamment auprès des pouvoirs publics) en apportant un financement de démarrage. Nous sommes « seed money » explique Isabelle de Laroullière qui a vu passer 670 projets depuis sa création, dont 80% en France.
La philanthropie, au cœur des Américains
Ces actions de sauvegarde du patrimoine de mécènes américains s’inscrivent dans une tradition ancienne. En 1924, John D. Rockefeller Jr. proposait son aide pour la restauration de monuments français, inaugurant pour la première fois dans le monde un mécénat international en faveur d’œuvres d’art menacées. Cent ans après, cette tradition se maintient. En France, les philanthropes passent pour des élites non démocratiques car la démocratie y a été largement étatisée, nous sommes bercés par un État-providence censé pourvoir aux dépenses en tous genres. Les États-Unis, en revanche, se sont construits sur la philanthropie. Le statut d’exemption fiscale y est certes favorable, au même titre qu’il l’est devenu en France, mais le don y est un outil pour le bien de tous. Les donateurs américains souhaitent avoir un impact direct sur leur communauté. Dans le cadre de FHS, ces passionnés pour la culture et l’art de vivre à la française, choisissent les projets qui leur tiennent à cœur.
Des programmes éducatifs transatlantiques pour des étudiants et des architectes spécialisés dans la préservation et la restauration permettent la création d’une pépinière qui assure la relève des bénévoles ou des membres actifs de l’association.
La beauté diverse et fragile du décor français doit beaucoup à FHS et à ses membres. Ses mécènes s’évertuent à maintenir debout des édifices témoins de l’histoire, véritables ornements de nos paysages. Elle rappelle au monde la valeur inestimable de notre héritage commun et l’impératif de le protéger pour les générations futures.
Michèle Robach
¹French Heritage Society
²Hôtel Passart
³Galerie Eric Coatalem
4Il fit l’objet d’une fastueuse exposition à Versailles, grâce à l’emprunt aux grandes cours étrangères de quelques 200 meubles et objets tous d’origine royale ou princière.
5Château du Creux
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