En finir avec la soumission !

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Aimer le regard des hommes, préférer la préparation soignée de repas à des tâches plus épanouissantes,  les  femmes y prennent du plaisir. Alors : soumission consentie, domination des hommes ? Que faut-il en penser ?

#MeeToo un changement de paradigme 

Les féministes modérées ont pensé que les inégalités de sexes allaient s’éroder dans nos sociétés par le seul fait de la mise en place de nouvelles lois émancipatrices. Au fond, la société allait se  moderniser. Il serait inutile de poser un regard plus global sur les mécanismes des  rapports inégalitaires dans le domaine social, familial, intime. Et puis, le mouvement #MeToo a explosé, bouleversant le monde comme peu d’idéaux peuvent se vanter de l’avoir fait. Le féminisme de « la deuxième vague », hérité des années 70, est devenu obsolète. Il n’a pas été suffisant pour modifier en profondeur les stéréotypes. Les néo-féministes cherchent à comprendre pourquoi les femmes continuent d’occuper une position subalterne, soumises au travail à la maison et se retrouvent dans le rôle de victimes.

La nouveauté : être entendues

La nouvelle vague intègre des luttes en rupture avec la génération précédente et les femmes (souvent très jeunes) investissent volontiers les champs médiatiques et culturels. Elles dénoncent du harcèlement sexuel au féminicide, le continuum des violences qui leur sont faites. Comme l’a souligné Françoise Héritier¹ : « Les hommes, probablement sensibilisés par l’évolution des rapports entre les sexes depuis les années 70 (…) se remettent en cause. Les femmes osent dire leur agression sexuelle. Une femme de ma génération avait incorporé l’idée qu’elle était coupable, et sa première action était (…) de faire son affaire avec ça. Mais aujourd’hui, le silence se déchire, il devient une rumeur, un bruit et surtout une parole. » C’est précisément cela que les néo-féministes ont décidé de révéler : par-delà les avancées sociales, les femmes continuent de subir des agressions sans qu’on les entende, ou si peu, et sans jamais ou quasiment, obtenir réparation.

Au Japon, il est généralement admis dans la société que porter des hauts talons est nécessaire et approprié au travail. Les Japonaises se sont récemment révoltées contre ce code vestimentaire jugé complètement dépassé. Le succès de ce mouvement de contestation traduit leur mécontentement grandissant dans un pays classé en 2020 au 121e rang sur 153 par le Forum Économique Mondial en matière d’égalité des genres.

L’inévitable impasse de la soumission²

Selon Manon Garcia³, la soumission est au cœur de la violence faite aux femmes. Les anti féministes adorent l’idée de la soumission féminine. Il est vrai qu’elle n’est pas toujours forcée. Mais, si elle est consentie, c’est que les femmes y ont un intérêt : plus d’attention masculine, statut social valorisé. Cette soumission-là, n’est pas liée à une quelconque  « nature féminine », c’est un conditionnement social lié à l’éducation genrée4. La soumission n’est ni naturelle, ni inéluctable, mais la force de la prescription sociale est telle qu’il est difficile d’y échapper.  Une femme qui ne se soumet pas, qui n’essaye pas de rentrer dans une taille 38, qui ne sourit pas, qui ne s’accommode pas de sexe conjugal dont elle n’a pas forcément envie, cette femme-là sera punie socialement parce qu’elle ira à l’encontre des normes sociales qui lui prescrivent la soumission. Elle sera stigmatisée, délaissée.

Les femmes veulent séduire et, à ce titre, sont partie prenante de leur soumission aux hommes5, mais il est temps qu’elles comprennent le mécanisme de ce destin tout tracé, afin de s’en émanciper.

Michèle Robach

 ¹1933-2017, Anthropologue, Directrice de L’École des Hautes Études en Sciences Sociales, a succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France.
² Manon Garcia  dans « On ne naît pas soumise, on le devient » (Flammarion, 2018) s’appuie sur l’analyse beauvoirienne du Deuxième Sexe.
³Née en 1985, ENS, agrégation de philosophie, professeur de philosophie féministe à Harvard, Chicago. Thèse : La soumission consentie (2017).
4Voir Partie « Formation » dans le second volume du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir.
5Beauvoir, dans Le Deuxième Sexe, explique qu’être une femme, c’est être une personne à qui la soumission est prescrite de l’extérieur. La force de cette prescription sociale est telle qu’il est difficile d’y échapper. 

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