Il nous faut aller chercher les filles !

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Les femmes sont sous-représentées dans les domaines scientifiques, pourtant plus prestigieux et souvent mieux rémunérés. Ce constat demeure mal compris et mal géré malgré les efforts développés pour y remédier. La Chaire Femmes et Science de Paris Dauphine¹ réfléchit à comment agir lors d’un colloque animé le 1er décembre par Vicky Sommet.

Quelques données

En informatique, la proportion de femmes est en baisse de 20% par rapport aux années 1990. 33% des chercheurs du monde entier sont des femmes. 3% des étudiantes se destinent à des études de ce type. 22% des programmeurs en intelligence artificielle sont des femmes. Globalement les femmes ont des meilleurs résultats que les hommes et réussissent mieux. En même temps, au fur et à mesure des paliers d’orientation, elles sont de moins en moins nombreuses à choisir des matières scientifiques, puis des carrières scientifiques qui ouvrent pourtant un certain nombre d’accès à des professions reconnues, souvent des positions de pouvoir. Comment expliquer l’auto-censure des femmes ? Goût ? Manque de confiance ? Poids de l’environnement, de la famille ou de l’éducation ? Peur du pouvoir ? Autant de questions qui font l’objet d’analyse et de recherche.

Cédric Villani², venu témoigner, rend hommage à Maryam Mirzakhani (1977-2017), première mathématicienne distinguée en 2014 par la plus prestigieuse récompense de sa discipline, la médaille Fields. Née à Téhéran, elle quittera l’Iran après son master pour rejoindre les États-Unis : Harvard (doctorat en 2004), Princeton puis Stanford où elle enseignait depuis 2008. Disparue d’un cancer à 40 ans, elle demeure une véritable source d’inspiration pour les jeunes femmes d’aujourd’hui !  « Plus je passais de temps à faire des maths, plus j’étais heureuse. » disait-elle.

Cette sous-représentation est source d’inégalité, contraire aux principes républicains. « On a besoin de toutes les compétences. Pourquoi se priver d’une partie de la population ? C’est se tirer une balle dans le pied ! » s’exclame Elyès Jouini, président de la Chaire.

Et si l’homme devenait une femme comme les autres

Pour avoir la parité, il faut dont agir en amont, au niveau de la formation, avant d’agir sur le recrutement, donner les bonnes impulsions au bon moment, amener les filles à considérer les études scientifiques au même titre que les études littéraires. Le rôle de la famille, des enseignants et des conseillers d’information est donc capital. Le regard porté par la société, l’entourage et les pairs, l’est tout autant. Puis ensuite, pendant la carrière, offrir des rôles modèles aux business models pour rompre l’image des hommes, autorité et décision, face à celle des femmes, médiation et consensus, pour casser les plafonds de verre et ne plus dépendre des plafonds de rêves. La réussite passe aussi par la mobilité. Or, il semblerait que les hommes soient moins prêts que les femmes à suivre leur conjoint…

« Veut-on vraiment que la femme devienne un homme comme les autres ? Cela devrait être l’inverse. Le jour où les hommes auront aussi envie de vivre plus chez eux en famille comme les femmes, l’égalité sera atteinte. Dans les séries nordiques, on voit souvent des femmes qui ont le pouvoir et les hommes qui sont devenus comme les femmes. Le jour où les hommes baisseront leur degré de compétitivité, il y a aura égalité. » Claudia Senik, professeur à la Sorbonne et à l’École d’économie de Paris

La féminisation des métiers scientifiques est en marche, encore faut-il que les femmes gagnent en assurance, aient confiance en elle et se sentent légitimes pour prendre toute leur place dans le monde scientifique de demain. « Il est le Sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre » disait Simone de Beauvoir. Ajoutons : l’Autre avec laquelle il faudra compter désormais !

Marie-Hélène Cossé

¹Chaire Femmes et Science (Université Paris Dauphine), Colloque du 1er décembre. Vidéo de l’allocution inaugurale d’Audrey Azoulay, Directrice Générale de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture. Les autres vidéos des tables rondes, de l’intervention de Cédric Villani, etc., seront progressivement diffusées sur le site de la Chaire et les réseaux sociaux.
²Député, médaille Fields (2010).

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