Qui oserait dire qu’il n’en a pas ? Les préjugés squattent notre cerveau et, sans qu’on y prenne garde, se transforment en vérités indubitables : le Moyen-Âge est sombre, les aristos forcément réactionnaires, les Anglais excentriques, les Chinois fourbes… Des affirmations à vérifier pour ne pas mourir idiot !
Les préjugés sont défavorables
Ignorance ou rumeur, les préjugés structurent notre imaginaire collectif, « ces toxines de notre activité mentale » comme les décrivaient Antonin Artaud, qui incitent à dénigrer, stigmatiser, accuser ou fustiger des personnes ou des opinions. Témoin notre époque avec les vaccins, les végétariens, les homosexuels ou les écologistes et hier la peur de l’an 2000, les Tziganes qui sont tous des voleurs ou les femmes qui se parfument ne sont pas toutes dangereuses, même si Voltaire affirmait que « les femmes ressemblent à des girouettes, elles se fixent quand elles se rouillent ».
Homo Sapiens sauf quand il n’est pas sage
L’homme ne descendrait pas du singe mais serait son proche cousin. Le barbare était celui qui ne parlait pas la langue grecque jusqu’à signifier l’étranger, en matière de barbares, aujourd’hui on voit peu de ressemblances entre le criminel de guerre du 20ème siècle et le tagueur de banlieue. Les Gaulois sont râleurs seulement depuis qu’ils sont devenus nos ancêtres, après la proclamation de la République et la fondation de l’école laïque. Les Noirs sont serviles, ne dit-on pas travailler comme un nègre, la syphilis serait un mal italien, alors que ce sont les troupes composées de soldats européens qui entrèrent en Italie derrière Charles VIII qui, vivant de débauches dans la ville occupée, ont propagé cette peste sans nom alors, en quittant Naples lors de leur retraite.
Les préjugés à l’égard des femmes sont légion
Christophe Colomb disait des Indiennes d’Amérique que « les femmes travaillent plus que les hommes » en expliquant que la fertilité de ce pays faisant qu’il n’y avait pas besoin de travailler beaucoup. La Mauresque, avec la conquête de l’Algérie, est vue comme une figure de femmes aux seins nus. Dans le monde colonial, elle deviendra l’image de l’érotisme oriental. Des centaines de milliers d’exemplaires de ces photos seront diffusées en France et au Moyen-Orient. Les rousses sentent mauvais, les femmes sont hystériques et si, pour Hippocrate, « toute la femme est dans l’utérus », « toutes des hystéros » peut-on lire encore aujourd’hui dans les médias et sur le Net. Les criminels ont une sale gueule, le vert porte malheur (la reine Victoria devenue veuve, développa une aversion contre cette couleur et la chassa de tous les palais royaux et n’aurait toujours pas réapparu à Buckingham), les Japonais sont suicidaires, les belles-mères des peaux de vache, les Allemands des ploucs et l’art contemporain n’est pas de l’art.
Je dois m’arrêter là car la liste de nos préjugés hexagonaux est encore longue et je ne souhaite pas m’attirer la foudre de certains lecteurs. Je termine avec Jean-Jacques Rousseau : « La raison et le jugement viennent lentement ; les préjugés accourent en foule ; c’est d’eux qu’il faut se préserver ».
Vicky Sommet
« Histoire des préjugés » écrite par une quarantaine d’historiens aux éditions Les Arènes (janvier 2023).