Les traitements médicaux ne sont pas les seuls à avoir des effets bénéfiques sur la santé. L’art apporte également de multiples bienfaits, il nous transforme et nous soigne. C’est tout l’engagement d’Anne de la Roussière qui souhaite, hors les murs de sa galerie du 65 rue de Seine, répandre « un souffle d’émotions au cœur des soins » grâce à Artcurhope, le fonds de dotation qu’elle a lancé.
L’apport des neurosciences
La contemplation d’une œuvre d’art agite quantité de neurotransmetteurs et d’antidouleurs dans notre cerveau qui va secréter des substances que l’on trouve dans les antidépresseurs comme la dopamine, la sérotonine, les endorphines. L’art nous fait du bien en nous procurant ce que l’on nomme « l’empathie esthétique », une sensation de plaisir, un sentiment presque amoureux qui donne l’envie de vivre, de retrouver le goût du quotidien. Des études scientifiques suggèrent que l’art peut aider à lutter contre des maladies, au point qu’intégrer des activités artistiques dans les systèmes de santé en complète les traitements. Le neurologue Pierre Lemarquis³ souligne l’importance des « neurones miroirs » qui jouent un rôle dans l’empathie, notre capacité à nous mettre à la place de l’autre. Or, cette expérience de l’autre dans l’art peut apporter du réconfort et réduire le stress, facteurs importants pour toutes sortes de pathologies.
« Les arts n’ont pas pour but de guérir – ils ne guérissent pas le cancer. Mais les arts peuvent soigner. C’est différent. Ils créent ce sentiment de signification personnelle profonde qui embellit votre vie »². Christopher Bailey (OMS)
Les prescriptions culturelles®
C’est une idée de Laure Mayoud, psychologue clinicienne. En 2016, dans une démarche soignante, elle propose à un soigné de lire le poème d’Éluard « Et un sourire ». La douceur du texte qui évoque « au bout du chemin, une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée », provoque un effet cathartique immédiat, ce qui l’incite à généraliser cette pratique par le biais d’une association, L’invitation à la beauté4, qu’elle fonde en 2018. « Dans le monde où tout doit se soigner par les médicaments, les prescriptions culturelles® me sont apparues comme quelque chose d’incroyable. On ne parle plus de maladie, on parle de nourriture pour l’âme ». Au service de médecine interne de l’hôpital Lyon-Sud où elle exerce, des soignés choisissent des œuvres originales (poèmes ou tableaux) qu’ils accrochent dans leur chambre le temps de l’hospitalisation et l’expérience montre que cette rencontre avec la beauté apporte confiance et bien-être dans le cadre des soins. « À leur sortie de l’hôpital, leur rapport à l’art est transformé », insiste Pierre Lemarquis qui préside l’association L’invitation à la beauté.
C’est précisément ce qui a inspiré le projet Artcurehope d’Anne de la Roussière qui a mis en place un projet pilote à la clinique parisienne Alleray-Labrouste.
Des ponts entre culture et santé
Admettre que l’art améliore réellement la santé et le bien-être est révélateur d’un changement de paradigme au sein de la médecine. Dans le monde de la recherche médicale, on tend plutôt vers la standardisation alors que dans les arts, l’accent est mis sur l’expérience des individus et des groupes. C’est donc un énorme progrès de constater que les systèmes de santé sont prêts à exploiter le potentiel des activités artistiques au point que, par exemple, des prescriptions muséales sont expérimentées au Louvre-Lens (à la suite du Musée des Beaux-Arts de Montréal à l’origine du concept). Anne de la Roussière ne peut que se féliciter de l’accord récent entre Artcurhope et les hôpitaux de l’AP-HP. Elle souhaite y expérimenter un autre domaine en cours d’études qui concerne les bienfaits de la musique (musicothérapie). Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, la musique réduit l’anxiété, l’agitation, les phases dépressives et améliore l’humeur voire la communication. C’est aussi un stimulateur cognitif qui pourrait même raviver certains souvenirs. À l’instar de la fondation Vaincre Alzheimer, on réfléchit au sein d’Artcurhope aux moyens de rendre la musique accessible à tous les patients concernés.
Si la beauté ne guérit pas tout, elle donne l’envie de guérir en stimulant notre goût de vivre « en sculptant et caressant notre cerveau »³. L’écrivain J.M.G. Le Clézio l’a peut-être bien compris lorsqu’il écrit : « Un jour, on saura peut-être qu’il n’y avait pas d’art, mais seulement de la médecine. »
Michèle Robach
Artcurhope
²OMS, article du 15 novembre 2023.
³Neurologue, neurophysiologiste auteur de L’art qui guérit (Éditions Hazan, 2020, préface de Boris Cyrulnik).
4L’invitation à la beauté
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