Effrayante, maléfique, inquiétante, la sorcière au nez crochu, au chapeau pointu a accompagné notre enfance perchée sur son balai. Seules peu de ces « dames » semblaient alors plutôt positives. Nous allons voir que dans notre société moderne le sujet a évolué. Alors c’est quoi la nouvelle sorcière ?
La sorcière des temps modernes
De nos jours la sorcière n’est plus affublée de ses accoutrements ni de son chat noir. C’est la femme de 35 ans et plus qui est indépendante, accepte de se faire avorter et vit pour elle-même jusqu’à un âge avancé, explique en substance Mona Chollet au cours de la Grande Librairie du 15 novembre 2018. Cette journaliste du Monde Diplomatique qui se définit comme « la poule mouillée du féminisme » parle du livre passionnant qu’elle vient en effet de publier au sujet des sorcières, ce qui revient pour elle à définir la place de la femme dans la société moderne.
La chasse aux sorcières
Cinquante-mille, cent-mille, un million peut-être de femmes ont été victimes de la chasse aux sorcières à partir surtout de la Renaissance. Ces femmes sont affranchies de toute domination et c’est bien là où le bât blesse le dos des misogynes. Pour Mona Chollet il est possible de faire un parallèle entre la chasse aux sorcières et l’antisémitisme qui avaient tous deux pour but de détruire la chrétienté. Ces motifs ont évolué. De nos jours des séries télévisées mettent en scène des sorcières plus sympathiques, jeunes et belles qu’avant, mais nous n’avons pas encore assisté à la vulgarisation de l’image de la vieille sorcière au visage positif…
Ainsi, répétons-le c’est à la Renaissance que se façonne le monde et que la sorcière est exclue. Puis la femme est niée en tant que personne autonome. Au XIXème siècle, Barbara Ehrenreich et Deirdre English vont même jusqu’à estimer que le développement du cerveau est néfaste pour les femmes enceintes. « Une croissance cérébrale trop soutenue » , expliquaient-ils, « atrophierait l’utérus ».
« Le développement du système reproducteur ne permettrait tout simplement pas le développement de l’intelligence » relève Mona Chollet dans son livre.
Une reconquête nécessaire
Si l’on en croit l’étude 2013 de la Dares, 47% de femmes se concentrent dans une dizaine de métiers. 87,7 % sont infirmières, aides à domicile ou assistantes maternelles, 97,7 % agents d’entretien, secrétaires ou enseignantes, explique encore Mona Chollet. Alors qu’au Moyen-Age les Européennes travaillaient comme forgeronnes, bouchères, boulangères, chandelières, chapelières, brasseuses, cardeuses de laine et détaillantes. Ce n’est donc pas de la conquête d’une reconnaissance du travail féminin qu’il s’agit, mais une reconquête…
En définitive, la sorcellerie aurait été invoquée pour freiner l’égalité femmes-hommes dans notre société. Certaines associations féministes ont repris ce thème pour plaider pour la liberté des femmes. De mon côté, je n’ai aucune sympathie pour la misogynie. Et, à l’instar de la sorcière que je tends à devenir avec la maturité, quand il m’arrive de tirer les tarots pour mes copines, je reste positive. Promis !
Isabelle Brisson
Mid&SudOuest
« Sorcières : la puissance invaincue des femmes » de Mona Chollet (Editions La Découverte, septembre 2018)