Paula Rego : entrez dans la danse !

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Entre des géants, Picasso, Miro et Giacometti, une artiste plasticienne portugaise quasi inconnue du public français s’installe à l’Orangerie. Son œuvre narrative, figurative, engagée, d’une force picturale singulière bouscule. Au beau milieu du paysage artistique bien lisse, Paula Rego réveille notre pupille.

Une jeune artiste de 83 ans

Il faut être portugais, anglais ou vraiment au fait de l’art contemporain pour avoir eu vent du travail de Paula Rego, aujourd’hui âgée de 83 ans. Née en 1935 à Lisbonne, l’artiste a fui le régime de Salazar pour Londres afin d’étudier à la prestigieuse Slade School of Fine Art, là où elle rencontra celui qui devint son mari, le peintre Victor Willing. Son pays natal lui rend un hommage permanent à La Casa de Historias Paula Rego, musée anguleux de ciment rouge, situé dans la chicissime station balnéaire de Cascais. Londres expose ses œuvres régulièrement. Paris très rarement. Par pudibonderie ? Par omission ?

« C’est ça pour moi la littérature, des histoires violentes, magiques, dans lesquelles il y a des punitions, des châtiments. Des choses liées à l’éducation des enfants. »

L’humain sans fard

On dit que son père raffolait d’histoires d’horreur, sa mère de légendes animalières, tandis que sa grand-mère était éprise de livres de sorcières et de saints. Dans cette exposition, Paula Rego revisite avec un regard impudique, ironique et féministe les contes de notre enfance dont on connaît parfois la troublante et double lecture. Maîtrisant parfaitement le dessin, l’artiste utilise l’aquatinte puis étonnamment le pastel pour croquer -de préférence en grand format- avec cruauté et crudité des personnages aux visages grotesques, des femmes à la cheville épaisse, des danseuses massives ou des créatures fantastiques, pour évoquer sans réserve de nombreuses allusions sexuelles.

 « Mes sujets favoris sont les jeux de pouvoir et les hiérarchies. Je veux toujours tout changer, chambouler l’ordre établi, remplacer les héroïnes et les idiots. »

Une femme de culture

Ses inspirations sont incroyablement riches et disparates et la mise en perspective avec d’autres artistes est maline et ludique : on y croise Gustave Doré, Goya, Odilon Redon, Louise Bourgeois, Benjamin Rabier, David Hockney et Degas, on pense à Jérôme Bosch, Ensor, Freud ou Bacon. Pourtant le langage plastique de Paula Rego est bel et bien unique et singulier : elle sait déceler la bestialité qui réside en chaque humain mais à l’inverse se sert des animaux anthropomorphiques pour dénoncer les travers de notre société. Famille, religion, rapports sociaux en font les frais.

Il faut savoir se laisser entraîner, bousculer par l’étrangeté de cette relecture de Pinocchio à Fantasia de Walt Disney jusqu’au très étouffant Pillowman et ambigu Fisherman. « Habile fusion de sa mythologie personnelle avec la mythologie universelle », Les Contes cruels de Paula Rego nous parlent forcément un peu.

Christine Fleurot

Les  Contes cruels de Paula Rego jusqu’au 14 janvier 2019 – Musée Orangerie
La Casa de Historias à Cascais (Portugal)

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