Unisexe, unigenre, beaucoup essaient de masquer leur personnalité avec des vêtements informes qui cachent s’ils sont filles ou garçons. Volonté de se fondre dans la masse ou provocation dans une société normée, cette attitude a toujours existé, à l’image dans notre histoire passée de ceux qui sont passés à l’acte.
L’espion masqué
Honneur aux messieurs, je commence par Charles-Geneviève d’Éon, diplomate, officier, homme de lettres et espion, resté célèbre pour son goût du travestissement. Ses contemporains spéculaient sur son identité sexuelle mais, à sa mort, un collège de médecins constate qu’il était doté d’attributs masculins. Il vécut habillé en homme pendant 49 ans et en femme pendant 32 ans. Recruté dans les services secrets par Louis XV qui le rencontre dans un bal costumé déguisé en femme, le monarque est séduit par cette jolie personne mais comprenant qu’il s’agit d’un homme, il pense qu’il pourrait approcher la tsarine Elisabeth 1ère sans attirer sa méfiance.
Missionné et missionnée
Sa mission sera de convaincre la souveraine de faire alliance avec la France. Sous le nom de Lia de Beaumont, il plaide la cause française plus efficacement que des ambassadeurs. La tsarine donne des bals costumés en inversant les rôles, les hommes sont vêtus en femmes et vice versa. Éon au look androgyne, carrure étroite, absence de barbe, mystifie tout le monde. Un traité d’alliance est signé et le Roi le récompense en le nommant capitaine de dragons. Charles participe aux campagnes de la guerre de Sept Ans, blessé il quitte l’armée pour redevenir agent secret en Angleterre où il mourra pauvre et dans l’oubli.
Tassi Hangbè, mère des Amazones
La Reine du Dahomey, pays situé dans le sud-ouest de l’actuel Bénin, a été, au 18ème siècle, la seule femme à régner. Tassi, sœur jumelle du roi Akaba, deviendra reine à la disparition de son frère. Pour ne pas démotiver les armées, elle décide de garder sa mort secrète et, déguisée en homme, prend le commandement des troupes jusqu’à remporter la bataille finale. À son retour, le fils d’Akaba étant trop jeune pour régner, elle gouverne sans intronisation mais porte les signes du pouvoir, sandales, pagne tressé et parasol royal. Très vite les oppositions surgissent à cause de son statut de femme de caractère, « sans-pudeur », avec un certain franc-parler.
La reine déchue
Son mariage annulé, ses deux fils morts, elle quitte ses fonctions et les transmet à son jeune frère. Elle continua à s’intéresser aux femmes en créant le corps des Amazones, des guerrières qui assuraient la sécurité de la cour, employées à espionner les camps ennemis. Ce régiment militaire professionnel féminin se distinguait par son courage « Nous sommes des hommes, non des femmes. Celles qui rentrent de la guerre sans avoir conquis doivent mourir. Si nous battons en retraite, notre vie est à la merci du roi. Quelle que soit la ville à attaquer, nous devons la conquérir ou nous enterrer nous-mêmes dans ses ruines ». La tradition orale raconte que son fils fut tué pour l’empêcher de réclamer le trône et qu’elle fut déshabillée et ses organes génitaux lavés devant le Conseil. Son trône à Abomey continue aujourd’hui à être occupé par une femme ayant la charge de présider les cultes annuels et solutionner les problèmes de la collectivité.
Faut-il alors supprimer l’adage « L’habit ne fait pas le moine » ? Je vous laisse jusqu’au 8 mars 2021 pour y réfléchir !
Vicky Sommet
EN SAVOIR PLUS
Sur Arte TV, documentaire de 15mn disponible jusqu’au 29/01/2022 « Au Bénin, les fières amazones du Dahomey ».
Université de Paris, site Culture, Tassi Hangbè, histoire de la reine mère des Amazones du Danxome.
IAM Intense art magazine, archives, Amazones qui êtes-vous ?