Écrite par la personne elle-même ou par un tiers, quelle est votre biographie préférée ? L’équipe de rédaction s’est livrée à ce petit jeu estival et vous livre ici son hit parade. Récents ou plus anciens, des récits dont les héroïnes sont… des femmes bien sûr !
♦ La princesse insoumise de Jean-Noël Liaut (mars 2023)
par Vicky Sommet
Fille de maharajas, Gayatri a vécu dans l’Inde des années 20 au cœur d’un palais qui abritait 400 domestiques, où elle faisait des courses à dos d’éléphant et chassait la panthère. Une fois mariée à l’héritier de Jaipur, elle découvre la dure loi du patriarcat indien pour s’en affranchir très vite en créant la première école pour filles du Rajasthan. Amie de Jackie Kennedy et de la reine d’Angleterre, elle fut élue au Parlement, défia publiquement Nehru, ce qui lui valut d’être mise en prison par sa fille Indira Ghandi. Son destin de femme insoumise, mais digne d’un film de Bollywood, se confond avec l’avènement de l’Inde moderne où elle défendait encore à un âge très avancé sa ville de Jaipur menacée par les constructions touristiques. C’est là qu’elle rendit son dernier souffle à 90 ans, suivi de funérailles dignes d’un chef d’état.
♦ Marguerite Duras de Laure Adler (1998)
par Michèle Robach
C’est parfois écrit comme du Duras, tant Laure Adler a lu, écouté, étudié, celle dont elle rend un magistral hommage, dans cette biographie parue en 1998, qu’elle appelle tout simplement, « Marguerite Duras ». Elle y affirme une vie, une voix, une singularité. Duras n’est pas cantonnée à son écriture, elle est également présentée comme une cinéaste, une femme de théâtre, une militante, une épouse, une amante, une amie, même si elle affirmera, « je suis un écrivain, rien d’autre ne mérite d’être mentionné ». C’est cette multiplicité des vies qui nous est contée comme une exploration intime de l’auteur du « Barrage contre le pacifique ». On se rend sur les lieux de son enfance, dans les cafés qu’elle fréquentait pendant l’Occupation, rue Saint-Benoit, où elle a vécu avec l’écrivain Robert Antelme, son mari déporté pendant la guerre¹ et où elle recevait, cuisinait et buvait (beaucoup) avec ses illustres amis, enfin en Normandie où elle passe les dernières années de sa vie, recluse avec Yann Andréa², son dernier compagnon. On reste avec une envie irrésistible de relire ses livres, revoir ses films³, réécouter ses interviews4. Laure Adler a rassemblé un nombre impressionnant de documents, c’est l’album d’une existence.
¹Sujet du livre La douleur (1985).
²Il fera son entrée en littérature avec M.D., édité en 2000 aux Éditions de Minuit, récit où il revient sur l’hospitalisation de Marguerite Duras.
³Les deux plus célèbres : Hiroshima mon amour (1959) avec Emmanuelle Riva et Eiji Okada et India Song (1975) avec Delphine Seyrig et Michael Longsdale, musique Carlos d’Alessio.
4Interview de Bernard Pivot dans Apostrophe en 1984.
♦ Double V de Laura Ulonati (Actes Sud, 2023)
par Brigitte Leprince
À mi-chemin entre la biographie et le roman, le récit de Laura Ulonati nous entraîne à la découverte de Virginia Woolf et de sa sœur aînée Vanessa Bell ; celle-ci, peintre talentueuse a souffert de l’espace occupé par Virginia. La sororité, lien mystérieux pour moi faute de sœur, est disséquée magistralement dans toutes ses facettes. La jalousie, la possession, la rivalité, l’admiration, l’amour se chevauchent et se succèdent avec intensité et complexité. L’écriture de Laura Ulonati est rare et les héroïnes aux destins douloureux sont captivantes et ravageuses. Une petite pépite à dévorer. « L’art était leur remède commun pour exister. »
♦ Deux soeurs de Dominique Bona (publication originale 2012, existe en Poche)
par Anne-Marie-Chust
Tout le monde connaît Yvonne et Christine Lerolle, immortalisées par Renoir dans son tableau « Les deux sœurs au piano ». Ces filles de bonne famille, évoluant dans un milieu enchanteur où se cultive l’entre-soi mais où l’art innove, se créé, entourées de Degas, Debussy (entre autres) et de chefs-d’œuvre amassés par leur père Henry Lerolle, peintre et grand collectionneur. Puis le destin s’en mêle et elles épousent deux frères Rouart, autre « grande » famille de collectionneurs. Eugène, à la vie sexuelle tourmentée, grand ami d’André Gide, épousera Yvonne qu’il entraînera vers un destin provincial où il deviendra homme politique, mais surtout propriétaire terrien aux investissements hasardeux. Il enfermera Yvonne dans une vie oppressante dont elle ne pourra jamais s’échapper. Et puis, Louis qui épousera Christine, à qui il fera sept enfants. Colérique, passionné, ultra-catholique, il trompera pourtant abondamment sa femme et ils finiront par mener des vies parallèles. Deux versions du malheur conjugal alors qu’elles avaient tout pour être heureuses. Un livre délicat et mélancolique, témoin d’une époque lumineuse mais contrastée… comme ses peintures.
♦ Wild : marcher pour se retrouver de Cheryl Strayed (Arthaud, 2013)
par Marie-Hélène Cossé
Entre une mère qu’elle a trop aimée brutalement disparue, un divorce douloureux et un lourd passé de junkie, la vie de Cheryl est tout simplement un désastre lorsqu’elle choisit, sur un coup de tête, de boucler son sac à dos, de s’en remettre à la nature et de partir marcher seule avec son sac beaucoup trop lourd sur le Chemin des Crêtes du Pacifique (Pacific Crest Trail ou PCT¹), un parcours sauvage et abrupt de l’Ouest américain extrêmement difficile. Récit d’une renaissance au fil de cette randonnée de 1 700 km, source de douleurs et de fatigue, où Cheryl renoue avec elle-même après être allée moins au bout du chemin qu’au bout de ce qu’elle est. Un livre magnifique (le film de Jean-Marc Vallée avec Reese Witherspoon sorti en 2014 l’est tout autant !) entre récit personnel, carnet de bord, description de paysages sublimes. Quand la marche se fait rédemption !
¹Allant de la frontière mexicaine à la frontière canadienne, le sentier long de 4 240 km traverse principalement des National Forests à travers la Californie, l’Oregon et l’État de Washington et il n’y a que peu d’habitats.
♦ La toile cirée, l’histoire exceptionnelle de Jacqueline Peker de Gaëlle Bertruc (éditions L’Harmattan, juin 2023)
par Anne-Claire Gagnon
Si vous voulez vivre mille vies, lisez la biographie d’une femme exceptionnelle, Jacqueline Peker, qui, avant de devenir la première vétérinaire homéopathe, a été une petite fille juive à qui la guerre a coûté cher. Depuis plus de 80 ans, elle croque la vie avec gourmandise, courage et une énergie débordante ! Sa vie se lit comme un roman grâce au talent de Gaëlle Bertruc qui l’a écoutée, l’aidant à se révéler, y compris dans ce qui fut longtemps indicible. Émouvante, drôle, pétillante du haut de son 1,57m et ses 87 printemps, Jacqueline Peker nous réconcilie avec le temps et la vie, en nous donnant envie de vieillir avec panache !
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