Tissus, broderies, tapis, tentures murales, bijoux et harnachements de chevaux, les Ouzbeks ont laissé un héritage de toute beauté. Fabriqués et tissés entre Boukhara et Tachkent, Samarcande et Khiva, ce carrefour de la Route de la soie vivait grâce à la dextérité des hommes et par le talent des femmes.
La tradition ouzbek
La Cour de Boukhara tournait autour de deux figures, l’Émir (le dernier disparut en 1944) et le cheval, symbole de la conquête des territoires. Dans les écuries du palais, on ne trouvait pas moins de 17 races d’équidés, des montures habillées de tapis de croupe décorés d’or, d’argent et de pierres semi-précieuses comme leurs cavaliers couverts de turbans, chapans et pantalons richement brodés. Tous les membres de la cour sont habillés de soie et la sériciculture, encore active aujourd’hui, rétablie à la fin du XIIIème siècle, avait pour objectif de réunir par l’artisanat toutes les nationalités présentes, Afghans, Arabes, Persans, Indiens, car les traditions pouvaient aider à l’établissement d’une identité nationale. Une abondance de luxe pour rivaliser avec le mode de vie des tsars lors de l’invasion russe !
La broderie est un art masculin
L’art du zardozi, la broderie d’or, est la marque de l’appartenance sociale. L’Émir avait installé un atelier privé dans sa résidence personnelle, la citadelle d’Ark, qui signifie « Cœur de l’État ». Exécutées uniquement par des hommes, ce travail a longtemps été interdit aux femmes à cause d’une croyance forte, leur souffle et leur main gâteraient et terniraient les fils d’or. Dès leur plus jeune âge, des garçons était formés pour devenir des usto, artisans officiels, avec un salaire important et dotés souvent d’un rang à la cour. Les fils d’or et d’argent, généralement à base d’argent, contenaient 10 à 20% de dorure et parfois de l’or pur de haute qualité. Les tissus sont souvent faits de velours sombre sur lesquels les motifs d’ornement colorent l’ensemble en représentant le cosmos, le soleil ou les cycles du temps. Hommes et femmes de la cour rivalisaient d’élégance, que ce soit les coiffes, les capes, les bottines de velours ou en cuir très fin, tous brodés d’or.
Le travail des femmes enfin reconnu
Cette région de passage a vu d’autres textiles prendre racine, le coton et le kénaf, la broderie et le rembourrage. Puis les femmes se sont imposées avec la production de laine que les nomades tissaient en tapis ou en panneaux colorés, confectionnés de chutes et de morceaux de soie, les kuroks. Elles s’initièrent aussi à la broderie pour décorer des vêtements, des petits sacs destinés à ranger les affaires de la maison, la monnaie, le sel ou le thé. Aujourd’hui, la broderie est devenue un art féminin, sauf lorsqu’il s’agit de fils d’or, encore ! Elles apprennent dès leur plus jeune âge à maîtriser l’aiguille pour confectionner la dot de la mariée, couvre-lits, rideaux, sacs à main et les broderies reflètent les étapes de leur vie, fiançailles, mariage, accouchement, pour s’assurer d’une protection magique contre le mauvais œil.
Magique, c’est bien l’adjectif qui convient lors de la visite de deux expositions que Paris organise pour découvrir ces trésors sur les routes de Samarcande et donner tort à Amin Maalouf qui dans son livre Samarcande écrit : « Pour qu’une entreprise réussisse, il faut faire le contraire de ce que disent les femmes » !
Vicky Sommet
« Splendeurs des Oasis d’Ouzbékistan » au Musée du Louvre jusqu’au 6 mars.
« Sur les routes de Samarcande » à l’Institut du Monde Arabe jusqu’au 4 juin.
« Saodat Ismaïlova. Double horizon », exposition co-organisée par Le Fresnoy et le Centre Pompidou jusqu’au 30 avril.