Le bloc de l’Est a une histoire agitée, du tsarisme au communisme et du communisme au capitalisme libéral. Témoins Olga et Inna, deux femmes, Russe et Ukrainienne, aujourd’hui réfugiées en France, l’une vivant dans un quotidien soviétique conditionné, l’autre qui manifeste seins nus pour affirmer sa féminité et son féminisme.
Une vie en communauté
Il y a d’abord l’odeur qui ne quittera jamais Olga Schmitt, celle de l’appartement communautaire avec la cuisson des betteraves, les graines de tournesol grillées et le chou fermenté. Puis, ce sera la fuite, celle qu’on cache à ses voisins, à ses camarades d’école, en se disant qu’à partir de ce jour, on est des traîtres ! Son beau-père avait dit : « On vit comme des bêtes encagées… Je veux voir le Louvre avant de mourir ». Système B, mariages blancs, papiers bidon et fausse parenté, c’est la vie ou plutôt la survie, dit-on en chuchotant, puisque les murs ont des oreilles. Pour sa grand-mère aviatrice, qui a chassé les Fritz hors de Russie à bord de son IIiouchine, partir semble une aberration, elles qui ne connaissent que l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, la Pravda et Izvestia pour les journaux et la télévision en noir et blanc.
La France, terre d’asile
C’est un voyage sans retour possible comme pour tout citoyen soviétique, avec le sentiment éprouvé au décollage d’être un serf libéré de ses chaînes. Logés grâce à l’aide des organisations en charge des réfugiés politiques du bloc soviétique, c’est la charcuterie en face de l’hôtel, à la vitrine remplie de victuailles, qui sera leur premier choc. Et quand elles s’aperçoivent qu’on savonne les trottoirs, l’Ouest sauvage leur est révélé. Pour Inna, le combat a commencé sur place, peu soutenue par les autorités, les autres femmes, et peu écoutée dans son métier de journaliste. Alors, au lieu de prendre les armes, elle prend la parole et décide avec d’autres de s’exprimer avec son corps jusqu’à ce qu’il lui faille partir.
Femme et Femen
Les Femen, mouvement féministe créé en 2008 en Ukraine, défendent les droits des femmes et sont connues pour la provocation de leurs actions, souvent seins nus. Ce groupe dispose de figures médiatiques comme Inna Shevchenko, elle qui veut dénoncer l’utilisation du corps des femmes comme objet de violence, de trafic et de viol. Sous le coup d’une enquête criminelle par la police ukrainienne, elle quitte son pays à 23 ans et obtient l’asile politique en France.
Deux combattantes venues de l’Est, deux femmes jeunes qui ont souhaité se démarquer pour dire j’existe et je peux m’exprimer pour défendre mes idées dans un pays libre. Hier Olga lisait un proverbe russe « La vie s’occupe de tout, le chaos s’organise ». Aujourd’hui Inna dit « Il est temps que nous femmes, décidions quand nos corps sont sexuels … et quand ils sont politiques ». L’une témoigne de son éducation soviétique en ne reniant pas ses préceptes, l’autre s’investit pour défendre les femmes dans le monde entier pour qu’« À l’Ouest, il n’y ait que du nouveau » !
Vicky Sommet
Olga Schmitt « Suprême Soviète » aux éditions Le pas d’oiseau.
Inna Shevchenko avec Thomas Azuélos et Simon Rochepeau « Prénom Inna » aux éditions Futuropolis.