Elle voulait que je l’appelle Venise…

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J’ai pensé à Venise en ces jours de confinement. La première fois que j’y suis allée, c’était il y a une bonne quarantaine d’années, du temps où on se sautait pas dans un avion si facilement. D’ailleurs j’avais voyagé en « bus-couchette » et c’était l’une de mes premières escapades en couple.

« Devant moi, il y avait deux routes, j’ai choisi la moins fréquentée et cela fait toute la différence » Paulo Coelho

Hier et aujourd’hui

Malgré un hôtel dans un antique palazzo très, très délabré, inclus dans le prix du voyage, j’avais trouvé Venise sublimissime et sérénissime. On pouvait déambuler Place Saint-Marc, on visitait le Palais des Doges sans attente et j’avais fini par m’apercevoir au bout d’un temps que le bruit y était différent d’ailleurs, stupide moi !, il n’y avait pas de voitures et finalement c’était nos pas que l’on entendait essentiellement dans ces ruelles loin du centre au détour d’une piazza et le clapotis de l’eau des canaux même si elle était déjà peu claire…

Puis la dernière fois que j’y suis retournée, j’ai vécu une expérience cauchemardesque. C’était pendant le Carnaval et Venise n’était plus Venise, cette ville mystérieuse au charme envoutant n’était plus visible. Le monde était fou, les déguisements de pacotille, parfois encore fastueux, mais ne reflétant plus rien, et surtout des boutiques et toujours des boutiques de masques et autres accessoires « Made in China ». Nous devions faire la queue pour emprunter les marches du Rialto et la place Saint-Marc était envahie de matériel de sonorisation et de touristes, les pigeons, eux, étaient partis voyager ailleurs. Heureusement, nous avons finalement trouvé refuge dans une église presque vide où se jouait du Vivaldi, le Maître des lieux.

Demain

J’entends dire que Venise ne sera plus jamais la même après ce « fichu » coronavirus, elle n’a pas vu un touriste depuis deux mois, on y entend de nouveau le cri des mouettes, l’eau des canaux y est redevenue claire et on peut y voir les poissons occuper les fonds marins. On est passé du surpeuplement à la désertification. Bien sûr, il faudra rendre Venise à ses amoureux, car « que c’est triste Venise au temps des amours mortes, que c’est triste Venise quand on ne s’aime plus »¹. Il faut que les musées et les églises n’ouvrent plus leurs portes en vain et que leur beauté ne soit plus inutile car elle sera redonnée aux yeux adorateurs et éclairés de ses visiteurs qui désormais seront comptés. D’après les autorités compétentes de la ville, une nouvelle politique est envisagée, la belle veut se donner une autre image et aller vers un « tourisme intelligent », « sortir des circuits frénétiques d’autrefois », pour que l’on puisse enfin s’y croiser et ne plus avoir ses immenses paquebots comme partie du décor.

« Elle voulait que je l’appelle Venise, vous me voyez, maillot rayé, la voix soumise en gondolier… »² Moi je suis prête à l’appeler de nouveau Venise et à refaire un tour de gondole… Que Venise redevienne éblouissante !

Anne-Marie Chust

¹Françoise Dorin/Charles Aznavour
²Étienne Roda-Gil/Julien Clerc

Le pianiste Paolo Zanarella descend les canaux déserts à Venise en jouant du piano (mai 2020)

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