Anne a toujours peint. Dans les musées dès l’enfance, elle se souvient des moments d’éblouissement qu’elle a ressentis devant la peinture. Puis ses parents la poussent à faire des études lui permettant d’être indépendante financièrement. Si aujourd’hui elle fait du marketing digital, elle est avant tout… peintre !
Comment tout concilier. Trois enfants, un métier dans une banque (3/5ème depuis trois ans pour lui laisser du temps pour sa peinture), un métier de passion (elle peint environ trois tableaux par mois, expose et vend régulièrement en France et à l’étranger) : comment Anne arrive-t-elle à tout faire ? « Je ne me pose pas la question. Il faut de l’organisation, car je ne voulais pas renoncer. Beaucoup de mes amies peintres n’ont pas d’enfants. J’en voulais. Mon atelier est au fond du jardin. Mes enfants sont très autonomes et respectueux de mon travail. Ils ne viennent pas me déranger quand j’y peins. »
« Peindre, c’est comme écrire. On raconte une histoire, on tire un film,
on crée une rythmique, comme des notes de musique.
On travaille à développer sa propre écriture, une écriture singulière, confrontée au regard des autres. »
Oser pour se lancer. Longtemps Anne ne s’autorise que le figuratif. Pour s’approprier l’abstraction, lui dit son prof, il faut utiliser l’écriture automatique, peindre ce que l’on veut en créant une dynamique gestuelle pour affronter la toile blanche. C’est un processus de construction et d’effacement. Et il faut attendre qu’une galerie propose de l’exposer, que d’autres travaillent avec elle, qu’on commence à lui acheter des œuvres, pour qu’elle sache que son travail peut intéresser les autres et se dire qu’elle peut en faire quelque chose !
En perpétuelle évolution. Anne part de jus, de couleurs, crée des textures, superpose des couches, structure les espaces colorés, travaille en épaisseur pour modeler la surface. Il y a dix ans, elle était dans la construction, la recherche de l’esthétique. Aujourd’hui, si elle est toujours attirée par la couleur, elle a plus de liberté. Sa première série les Pas bleus était extrêmement minimaliste. Puis dans Traverses la toile est plus remplie. Elle recouvre au pinceau, efface à l’éponge. Songes et végétal suit avec moins de matière, plus de glacis, une sensation de flottement. Enfin Empreintes. Souvent la première couche est libre, ouvre la polychromie, cherche la dissonance, puis elle recrée de la structure dans la superposition. Plus que le pinceau elle utilise aujourd’hui des spatules, projette, étale, modèle dans le frais.
« Il faut de la curiosité pour avancer, se poser des questions et développer son travail.
Certains restent dans le même chemin. J’aime l’énergie du trait et de la prise de risque.
Je m’ennuie vite dans la répétition ou dans la recherche de la perfection. »
Demain ? Depuis un an, Anne ré-interroge les supports, plie, froisse la toile pour faire apparaître des lignes, créer du relief et de grands territoires abstraits (série Orogénèse). La toile est à la fois support et matière. « On peint ce que l’on est » nous dit-elle. Or, Anne est tout à la fois : exubérante et minimaliste. Elle est ces deux extrêmes dans lesquels elle s’est construite et qu’elle souhaite mélanger et opposer en exerçant les deux métiers qu’elle a choisis et qu’elle assume pleinement et sans frustration !
Marie-Hélène Cossé
Son site
Où voir son travail : Galerie Zeuxis (Paris) et Galerie Exit Art (Boulogne-Billancourt)
Quelques questions…
– L’inspiration ? « Elle peut venir très vite ou bien cela peut être très long. On commence avec une idée que l’on développe dans un processus de travail défini. Ça va, ça vient. Parfois, on recule entre chaque séance. On apprend aussi à savoir quand c’est fini. Parfois on a un doute… »
– Un format favori ? « Le travail vertical. Mon geste est vertical. Je ne peins jamais en horizontal ou sinon ce sont des triptyques ou des polyptyques. J’aime les grands formats (1m60 x 1m30, sinon 2m00 x 1m30) où je me sens immergée ! ».