Fabienne Verdier, le silence en mouvement

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À un moment il y a le silence, le vide, une concentration extrême… puis une respiration sur laquelle Fabienne Verdier commence à peindre le mouvement de sa pensée. Une ligne surgit… Fabienne Verdier a étudié la calligraphie auprès de grands maîtres chinois, expérience qu’elle relate comme « passagère du silence¹ ». Chez le calligraphe, ce n’est pas seulement le poignet qui est en mouvement mais tout le corps soutenu par la respiration. C’est donc toute la personne qui se trouve reflétée dans le signe tracé.

De ces années chinoises, Fabienne Verdier semble avoir tiré la capacité d’utiliser son corps comme une antenne. Il capte les ondes et les lignes de force surgies de sa pensée ou de l’atmosphère qui l’entoure. Pour se tenir au plus près de ses perceptions, elle s’est émancipée des outils traditionnels et met continuellement au point toute une série d’instruments prodigieux (pinceaux géants, poches d’encre…).

Elle s’intéresse maintenant à la musique, ce champ vibratoire plein de silences. Lignes peintes et lignes sonores se répondent ou se superposent dans des « rythmscapes » tirés de son expérience d’artiste invitée à la Julliard School de New York en 2014. La série « Rythms and reflections » poursuit cette voie. Elle la présente en ce moment à Londres où j’ai eu l’honneur de la rencontrer.

Interview de Fabienne Verdier par Isabelle Haynes (Londres)

  • Quelle est maintenant l’importance du silence dans votre travail ?
    Et bien je n‘ai jamais été aussi débordée par les affaires du silence car du silence comme du vide surgissent mille et une manifestations, une myriade de microstructures et de poésie… De toute mon existence, je ne m’ennuierai jamais tellement j’entends de choses.
  • Votre perception est donc d’abord auditive ?
    Auditive et visuelle puisque j’ai des visions de formes qui surgissent.
  • En vous voyant vous préparer à peindre, on a l’impression de voir un athlète se concentrer avant une course : vous répétez avec vos mains les mouvements que votre corps devra impulser au pinceau géant avec lequel vous travaillez.
    Oui, il y a une sorte de traversée dans l’espace qui se produit à ce moment là. Ce sont les cinq sens, c’est le corps, c’est l’esprit qui se baladent dans l’espace. Et ce sont les traces du corps qui traverse l’espace qui créent ces lignes de paysages abstraits.
  • Ne vous rapprochez-vous pas de la danse ?
    C’est vrai que mon corps est de plus en plus présent. Ainsi mes châssis sont tous en bois pour pouvoir supporter le poids de mon corps et son déplacement: cette marche des « walking paintings ». Ces balades dans l’espace. Effectivement j’ai réunifié un peu la musique et la peinture. Il n’y a pas de différence entre les arts. Il n’y a plus de barrière.
  • J’ai vu récemment des danseurs qui impriment des formes à une volute de fumée, laissant ainsi une trace tangible de leurs mouvements dans l’espace. C’est un travail très différent mais je ne peux m’empêcher de trouver un lien avec le vôtre.
    C’est tout à fait le même état d’esprit, C’est comme une incroyable coïncidence entre l’énergie qui anime mon corps et mon esprit et l’énergie du monde. Cela se transmet dans l’écoulement de la matière, c’est une rencontre.

Isabelle Haynes
Mid&Londres

Fabienne VerdierRythm and Reflections.-Jusqu’au 4 février 2017.Waddington Custot-11 Cork Street -Londres- Metro : Green Park.
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¹Passagère du silence (2008, Albin Michel et Livre de poche)
©Photos John Short -Courtesy Waddiington Custot

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