C’est agréable de flâner dans certains quartiers de Paris et en particulier, le VIe arrondissement où, à proximité de la prestigieuse École des beaux-arts, l’art contemporain continue de s’épanouir dans sa très grande diversité. Là, au numéro 65 de la rue de Seine, Anne de la Roussière vient de fêter le 20e anniversaire de sa galerie Arcturus : un choix judicieux d’artistes vivants dont l’originalité est qu’ils sont en majorité européens.
La découverte de l’art dans la beauté de la nature
Son premier choc esthétique remonte à l’enfance, lorsqu’elle se rend en Bretagne avec sa famille pour passer des vacances sur la côte de granit Rose. Elle y découvre de magnifiques paysages mélancoliques et sauvages, les ilots baignés de lumière, là où le bleu se confond avec le rose et le brun. Il faut se laisser aller à imaginer pour chaque rocher une ressemblance improbable. Pour Anne de la Roussière la chose improbable sera de consacrer sa vie à l’art, découvrant ainsi à quel point « la nature est belle quand elle a l’aspect de l’art »¹.
L’art n’a pas pour autant été sa vocation première
La création de sa galerie Arcturus naît dans son esprit au terme d’une première tranche de vie professionnelle entamée très jeune, en tant que salariée au sein du groupe Paribas, qui s’achèvera au bout de quelques années comme directrice d’agence. Quitter la banque n’est pas sa décision mais comme l’envie de réaliser son vieux rêve ne l’a pas quittée, c’est une opportunité. « C’était un peu fou d’ouvrir une galerie sans connaître un seul artiste, et sans savoir monter un dossier de presse. Il fallait oser ! », admet-elle. Pourtant quelques mois après avoir quitté son poste, le bail de la rue de Seine est signé, le rêve est devenu la réalité et surtout « la carrière bancaire, c’est terminé » même si elle reconnaît que l’expérience n’aura pas été inutile.
Une formidable aventure
Le timing de l’ouverture était favorable. Nous sommes avant le 11 Septembre, le cours du dollar profite aux Américains, la conjoncture est en hausse, bref le démarrage de la galerie est bon. En plus, peu de confrères déjà installés à l’époque ont pensé à créer un site internet. Être innovante, bosseuse et optimiste sont les atouts qui ont clairement participé au démarrage d’Arcturus. Anne reconnaît toutefois que la conjoncture est devenue plus instable, les clients volatiles et que la concurrence vient de partout y compris d’internet où il est facile de comparer les côtes des oeuvres et d’acheter. Mais Arcturus a des points forts : outre l’accueil sympathique et pas du tout snob de sa directrice, ici on tisse avec les artistes des relations qui se veulent de longue durée. Du coup, c’est leur connaissance intime qui rend la visite passionnante.
Un vrai bonheur de contempler les portraits de l’Espagnole Lidia Masllorens dont la technique de peinture est originale et personnelle ou l’allemand Alfonse Alt dont les œuvres se situent entre la photographie et la peinture ou encore la sculptrice espagnole Marta Moreu qui représente l’humain à la frontière de l’équilibre.
Armée d’une solide connaissance du marché de l’art, Anne de la Roussière propose une sélection minutieuse d’artistes, comme une illustration vibrante que l’art embellit la vie².
Michèle Robach
Galerie Arcturus
¹Référence à Emmanuel Kant.
²Nietzsche, Humain trop humain, 1878.