De juriste à peintre, il y a un grand pas. Mais une fois franchi, ce pas peut mener à une reconversion des plus réussies, bénéfique tant du point de vue professionnel que personnel. C’est le cas d’Aurélie Salvaing, un portrait haut en couleurs !
Pourquoi avoir choisi la peinture ? Votre grand-père, peintre à ses heures, vous a-t-il transmis sa passion ou avez-vous finalement choisi de vivre d’une activité que vous pratiquiez en dilettante auparavant ?
J’ai exercé à peu près 8 ans en tant que juriste pour le compte de l’ordre des avocats, puis j’ai obliqué vers l’assistanat dans de grosses entreprises. Jeune, mon rapport à l’art n’était pas forcément heureux. J’ai toujours peint, mais je pense qu’en sortant du bac je n’étais absolument pas sûre de moi. Ma personnalité n’était pas encore suffisamment affirmée pour oser présenter mes toiles. Il a fallu laisser du temps au temps. De mes 20 à mes 35 ans, je n’ai pas touché un pinceau. Et puis un jour, mon père m’a demandé de lui faire une toile pour Noël et c’est en réalisant son souhait que j’ai repris la peinture. Par la suite il m’a été impossible d’arrêter, j’avais mis le doigt dans l’engrenage. Dans un premier temps, j’ai mené une sorte de double vie et, au fil du temps, c’est devenu trop compliqué : la part de la peinture était devenue trop importante pour moi et j’ai décidé de tenter l’aventure, la crise de la quarantaine, je suppose. Je ne pense pas que mon grand-père m’ait influencé. En réalité, ce sont plutôt mes parents qui ont mis l’accent sur un talent que je ne me reconnaissais même pas. Il y avait dans ma famille une grande attention qui était portée à l’art, à la culture.
Quelles sont vos couleurs fétiches ?
Mes couleurs fétiches sont le bleu de Prusse, le terre de Sienne, l’ocre et le noir. C’est surtout une affaire de contrastes, d’ombres et de lumières.
Aujourd’hui, vos œuvres sont reconnues par la communauté artistique et par les amateurs de peinture. Quel est votre meilleur souvenir ?
Le succès est venu petit à petit. J’ai commencé par vendre des toiles à des gens qui venaient chez moi : un agent immobilier, des amis… Même lorsque j’ai remporté un prix d’excellence lors d’une exposition au Canada, je suis restée joyeusement incrédule. On ne sait pas si on peut vraiment croire notre entourage. Peu à peu, on élargit le cercle, on participe à de plus en plus d’expositions. Le milieu est très concurrentiel, c’est le moins qu’on puisse dire ! Tout le monde à présent peut se déclarer peintre. Difficile d’estimer son propre talent à l’aune de celui des autres et de ce que nous renvoie la politique culturelle en France. Je ne sais pas si j’ai des meilleurs moments d’exposition. J’ai en revanche des grandes joies créatives et des rencontres passionnantes. Je viens par exemple de terminer la commande d’un immense portrait (1m30 x 1m60), belle rencontre et aventure passionnante et périlleuse à la fois.
Vos œuvres sont très personnelles et vous avez choisi un support original, des feuilles de vieux livres ou de journaux. Qu’aimez-vous dans ce recyclage ?
J’ai toujours été fascinée par le collage. C’était aussi une façon de rompre avec mon passé de juriste. J’ai commencé par détruire certains des ouvrages qui étaient sur ma table de travail. Par la suite, mon choix s’est porté sur des livres plus anciens dont j’aimais les typographies, les couleurs, les matières. Au départ, il y a le papier et les mots. Ensuite vient le visage en transparence, ce qui donne à mon sens un supplément d’âme et une impression de flottement. Ce qui m’intéresse c’est que soit toujours apparent ce qu’il y avait au départ : la trame, les fissures, les craquelures, l’ouvrage du temps. Dans mon travail, le poids de l’histoire est important, il y a comme un fil d’Ariane qui se tisse que j’essaie de tirer, puis de remonter aussi loin que je peux. Il y a aussi une forme d’humour, d’ironie, de mise à distance. Dans un nu réalisé il y a quelques temps, il y a inscrit dans une de ses courbes les plus évocatrices « le conseiller des familles ». La relecture est parfois hilarante !
Quels supports préférez-vous et comment procédez-vous pour allier une base tout à fait éclectique à la peinture ?
Tant qu’il y a du papier, tout me va : toile, bois, feuille libre… On va dire que ça dépend des circonstances de l’inspiration et de la capacité de stockage de mon atelier. J’utilise principalement de l’encre ou de la peinture acrylique extrêmement délayée. Je ne sais pas du tout comment je procède. C’est purement intuitif et il m’arrive souvent de me tromper. Chaque œuvre terminée est en réalité un vrai miracle à mes yeux ! Ce qui est certain, c’est que, même si je réalise le même portrait, le résultat final est toujours différent, preuve que le collage préalable permet d’infinies variations.
Vous peignez essentiellement des portraits. N’avez-vous jamais envisagé les paysages, des bâtiments… ?
Je peins parfois des paysages mais toujours sur une base papier. Cela me permet de me reposer entre deux portraits. Cependant je dois dire que je n’éprouve pas la même émotion. Chaque visage est pour moi un continent, une terre inconnue, un océan.
Votre atelier se trouve proche de Montpellier. N’avez-vous jamais songé à travailler en extérieur, de transposer votre atelier pour le temps d’une création au milieu de la nature ?
Il m’arrive de travailler en extérieur mais c’est plutôt pour profiter du beau temps et peaufiner mon bronzage. Cela ne change en rien mon sujet d’étude.
Nancy Besse
Mid&SudEst
Son site UzEssentiel
Aurélie Salvaing, atelier 29 route de Lattes, 34470 Perols – son compte Instagram – Sa page FB