Élisabeth Louise Vigée Le Brun, une femme moderne

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Talentueuse, jolie, intelligente, douée, opiniâtre… Élisabeth Louise Vigée Le Brun a une bien longue vie consacrée à la peinture. Elle naît sous Louis XV et meurt sous Louis-Philippe. Elle connaît et côtoie les grands du monde et parcourt l’Europe avec sa palette, son savoir-faire et sa fille… Quelle femme libre et moderne !

Car Élisabeth Louise Vigée Le Brun, dite Lisette par ses proches, a eu une carrière et une vie incroyable. Elle naît le 16 avril 1755 à Paris (la même année que Marie-Antoinette dont elle sera proche), elle apprend le métier avec son père (lequel est aussi un très bon portraitiste) et quelques professeurs qui la confortent dans le goût d’être elle-même en peinture. Par son mariage avec l’un des grands marchands de tableaux de l’époque, elle se libère de la tutelle d’un beau-père et elle commence à se faire connaître.

Affirmer son statut. Si les femmes ne sont pas absentes de l’histoire de l’art, elles sont peu nombreuses à être passées à la postérité : les filles de Véronèse ou du Tintoret, Judith Lester (en Hollande), Artemisia Gentilleschi (en Italie), Louise Moillon (en Angleterre)…, mais l’académie les cantonne souvent à des genres mineurs tels que les scènes de genre (foyer, famille), les fleurs et plus rarement le portrait. Rosalba Carriera lancera la mode du pastel lors de son passage en France en 1720. Suivront Labille-Guiard, Vallayer-Coster, Kaufman… et notre Élisabeth Louise Vigée Le Brun.

« Tu seras peintre, mon enfant, ou jamais il n’en sera ». Ce n’est pas simple d’être une peintre femme (et non femme peintre) dans cet univers très masculin… Il n’est pas aisé de se faire un nom au sein de cette assemblée. Mais elle est vraiment très douée. Regardez la façon dont elle représente celle ou celui qu’elle portraiture : elle ne s’éloigne pas de la réalité, elle gomme et transpose… Elle s’inscrit dans une tradition courtisane ! On s’extasie devant le portrait de Yolande de Polignac… Cette si jolie Yolande avec son regard poudré, si rêveur, cachant une nature que l’on pourrait qualifier de si « gentille » voire de si naïve… C’est l’élégance à la française ! Observez Marie-Antoinette dont les caractères physiques des Habsbourg sont totalement ou presque estompés au fur et à mesure de l’évolution des portraits (elle en fit environ 30 !). Elle en devient jolie.

Au service de ses modèles. Elle posséde cette capacité à retranscrire les chairs, les carnations, à jouer sur les accessoires à la mode, à introduire des ombres sur les visages et à donner ainsi à voir des images qui sont, somme toute, un peu trompeuses, mais si séduisantes. Car, c’est cela aussi Vigée Le Brun : un embellissement imperceptible de ses modèles. Avec le portrait (un des meilleurs) de son ami et peintre Hubert Robert -dont le printemps nous régalera d’une exposition organisée par le Louvre- on sent la vie palpiter : accoudé, il semble nous interpeller encore.

Une femme indépendante. Bourreau de travail, ingénieuse, ravissante, inventive, d’un goût exquis, elle gravit les marches et fréquente l’élite. Et elle vend cher, jusqu’à quatre fois le prix normal ! Sa carrière est fulgurante, son carnet de commandes est plein. Fuyant la Révolution de 1789, sillonnant l’Europe, elle réalise les plus beaux portraits des plus grands de ce monde. Les visages d’une société à jamais disparue qui revit au Grand Palais… sensuelle, gaie, solennelle, innocente, attentive aux raffinements de la mode.

Une vie riche. Son exil aura duré douze années, où grâce à ses pinceaux, elle aura vécu, très bien vécu. Un éloignement qui l’aura conduite à Rome, Naples, Vienne et Saint-Pétersbourg où elle entrera à l’Académie des Beaux- Arts. De retour à Paris en 1802, elle y est fêtée comme une reine ! Mais avant de finir sa vie à 87 ans dans sa propriété de Louveciennes, près de l’ancien château de la du Barry (qu’elle avait peinte et estimée), elle sera partie encore à Londres et en Suisse s’exercer au paysage en plein air.

Une vie d’une artiste… Une vie d’une femme de caractère, riche, devenue libre par son travail !

Béatrice Leroux-Huitéma
Fondatrice Les Dits de l’Art (Paris), Les Mardis de l’Art (Bordeaux)   

 

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