« Une dame de Marie-Claire », c’était son surnom à une époque où le journal était la bible des magazines de mode. De Vive la mode à ELLE, avant d’être rédactrice en chef de Marie-Claire, elle, la papesse de la mode, découvrait de nouveaux talents et savait mélanger les genres.
Département mode
Claude tient la rubrique de ELLE consacrée à la confection avant de s’appeler prêt-à-porter. Après Marie-Claire qui savait reconnaître les tendances, elle rejoint Hermès où, pendant dix ans, elle devient directrice de la mode féminine. Claude a toujours mis en avant le chic et, au détriment des conventions d’hier, n’a cessé de défendre la liberté de chaque femme de disposer de sa personnalité et de son corps. Elle a privilégié le beau, initiée dès son enfance par une mère première vendeuse chez Chanel avant de prendre la direction des salons de Schiaparelli et, confrontée au monde de la couture dès l’enfance, quand tous les deux ans, elle fréquentait les salons d’essayage de la Samaritaine, au rayon garçonnets, pour qu’on lui confectionne sur mesure un pardessus croisé en shetland.
Le devoir d’informer
À ELLE, elle s’imprègne de la ligne éditoriale, « Le sérieux dans la frivolité, de l’ironie dans le grave ». Les journalistes avaient pour mission d’informer et d’aider les femmes à s’habiller. La journaliste devait aussi être elle-même à la mode. « J’ai acheté au Prisunic des Champs-Elysées une robe en jersey anthracite, j’ai enlevé la ceinture et cousu des petites pinces sous les seins… J’ai réalisé que j’étais beaucoup mieux quand j’avais la taille serrée. Vous ne savez pas ce que les femmes ont souffert avec le New-Look de Christian Dior ! » Son premier article était titré « C’est tout prêt, c’est tout de suite ». Les mannequins présentaient les modèles, un réveil à la main pour dire que c’était plus rapide de s’habiller ainsi que d’aller chez sa couturière. Le prêt-à-porter était né !
Au rayon souvenirs
Hélène Lazareff trouvait qu’on ne « bijoutait » pas assez les mannequins et enlevait son camée à la moindre occasion pour le mettre sur le modèle. Pierre Cardin était un coupeur exceptionnel, il prenait quelques épingles et inventait un vêtement sur vous. Emmanuelle Khanh dessinait une mode descendue dans la rue, dont des polos Cacharel que toutes les femmes portaient. Un respect sans borne pour Madame Grès, une admiration mesurée pour Yves Saint Laurent qui n’a rien inventé, mais a ressorti le caban, la saharienne et le pantalon. « Vous n’imaginez pas la désolation qui s’est emparée de nous, journalistes de mode, quand on a vu la première collection de Coco Chanel à son retour après la guerre ! ». Elle assiste à une séance photo pour un pull porté par Yves Montand qui, la voyant très intimidée, lui dit pour la rassurer « Vous faites votre travail et moi je fais le mien ».
Claude dessine une veste sans col. « Le résultat est absolument quelconque, aucun intérêt ! Styliste est un métier et ce n’est décidément pas le mien. » Un métier qu’elle a adoré, défendu et enrichi, Jean-Paul Gaultier dit d’elle, « Je pourrais la comparer à Diana Vreeland, elle est notre Diana à nous, une personne nourrie d’art, de culture, de convictions, de réflexions ».
Vicky Sommet
« Claude Brouet. Journaliste de mode » de Claude Brouet avec Sonia Rachline (éditions du Regard, septembre 2022).