Après la « tyrannie d’un seul » incarné par le roi, le pouvoir personnel se modifie au profit d’un duo dans la maison de la République, soit de Joséphine Bonaparte à Brigitte Macron, des femmes en première ligne qui vivent cet honneur partagé entre nostalgie monarchique et violence médiatique.
« Dans une République, il faut des hommes » (Jean-Jacques Rousseau)
Épouses des chefs d’Etat, le rôle de ces « First Ladies » à la française est un héritage des reines. Alors, armées de beauté, d’élégance, d’intrigues et de mondanités, sollicitées par l’affairisme ou le clientélisme, elles font preuve de générosité, de charité et de bienfaisance. Femmes ambitieuses comme Theresa Tallien ou avides de pouvoir comme Bernadette Chirac qui rappelle à son mari qui menace de divorcer « Souvenez-vous le jour où Napoléon a abandonné Joséphine, il a tout perdu ». Sans oublier Valérie Trierweiler qui a vécu une « répudiation » avec François Hollande comme aux temps des favorites royales. Et si on veut évoquer la modernité, c’est en arrière qu’il faut regarder avec l’Impératrice Eugénie qui a formé avec son mari un couple politique des plus militants au profit des femmes.
Des premières dames d’hier à Brigitte aujourd’hui
Appelées « Premières dames » ou simplement « Madame Armand Fallières », de « La Maréchale » pour l’épouse de Mac Mahon à « Madame la Duchesse » une fois son mari élu, ce n’est qu’en 1935 que Marguerite Lebrun reçoit ce titre du couple Roosevelt à l’occasion d’un voyage aux USA. Michèle Auriol le conservera alors qu’Yvonne de Gaulle et Claude Pompidou le délaisseront. C’est à partir de Bernadette Chirac et de Carla Bruni-Sarkozy que le site officiel de l’Elysée en 2010 retient cette appellation. Anne-Aymone, Danielle, Yvonne ou Carla, autant de noms qui parlent à nos oreilles, Yvonne avec ses chapeaux, Claude avec ses tenues avantgardistes, Danielle en révolution permanente ou Bernadette avec ses « pièces jaunes », sans fonction définie, elles se sont inventées des rôles qui vont de vitrine de la haute couture française à invitées dans les réunions du G8…
Une position à risques
Marguerite Lebrun, arrivée à l’Elysée à 54 ans, appréhende cette prison dorée pour son mari si jaloux de sa liberté. Avec en filigrane la crainte d’un assassinat après celui de Doumer. Michelle Auriol épousera son mari par amour, le secondera en politique et entrera en résistance pour manifester son indépendance dès que son mari aura quitté le pouvoir. Germaine Coty très naturelle : « Nous avons des lits jumeaux maintenant mais nous avons été jeunes et très amoureux et nous n’avions qu’un lit ». Yvonne de Gaulle, appelée Madame de Maintenant par le Canard enchainé, était entrée à l’Elysée en disant : « Nous voilà donc en meublé », quant à son mari, il avouait : « L‘Elysée est une caserne aux portes ouvertes, ouvertes pour tout le monde, moi excepté ».
Honneur ou corvée
Pour La Pompidour, Claude Pompidou, les sentiments sont partagés à l‘Elysée : « Le passé nous surplombait de sa puissance, le trouble était très fort ». Pour Bernadette Chirac, le Palais paraît très étriqué comparé à l’Hôtel de Ville, Cécilia Sarkozy avouera : « First Lady, ça me rase. Je ne suis pas politiquement correcte ; je me balade en jeans, en treillis, en santiags. Je ne rentre pas dans le moule ». Avec Carla, l’Elysée est boudé et elle n’y occupe qu’un bureau où est traité son courrier, plus de mille lettres par jour en affirmant : « Ce n’est quand même pas la mine ». Enfin, Brigitte Macron qui semble douée pour le bonheur a décidé de rompre la malédiction de l’Elysée en s’y installant et en choisissant de limiter son rôle : « Si je sens un jour que ma présence est compliquée pour sa présidence, je m’effacerai. Je serai toujours à ses côtés évidemment mais en retrait ». Et de répondre à l’auteure de cet ouvrage¹ : « L’Elysée est un lieu de travail et de réceptions officielles et il gardera cette vocation. Notre vie de famille a trouvé naturellement sa place mais la majeure partie du temps en dehors du Palais ».
La suite reste à écrire !
Vicky Sommet
L’Elysée au féminin de la IIème à la Vème République de Joëlle Chevé aux éditions du Rocher (octobre 2017)