Françoise Debilliers enseigne bénévolement le français au Centre social de Montpellier. Pour motiver ses élèves, elle a eu l’idée de leur faire rédiger des recettes de gâteaux orientaux. Nous publions aujourd’hui la première d’entre elles.
Apprendre le français
Après avoir œuvré à la Cimade de Béziers (lire notre article du 26 juillet 2018), Françoise travaille maintenant plus près de chez elle à l’Ile aux familles. C’est l’un des centres sociaux de Montpellier. Il présente tout un réseau d’aides aux enfants et aux adultes. Notre enseignante apprend le français à des dames du quartier qui sont majoritairement de nationalité marocaine. Elles vivent pour la plupart en France depuis une vingtaine d’années. Leur âge moyen est de 35 ans. Comme elles sont pratiquement toutes analphabètes dans leur langage, elles le sont à plus forte raison dans le nôtre.
Atelier socio-linguistique
Il n’y a pas d’hommes au cours de français. Dans la culture orientale, les femmes parlent rarement d’eux. Elles ne veulent pas non plus que l’on prenne des photos d’elles. En revanche elles n’hésitent pas à s’exprimer à propos de leurs enfants. Elles viennent par leur biais lorsqu’ils sont dans des associations sportives du Centre. Ces femmes suivent ainsi, deux fois par semaine, un atelier socio-linguistique. « Elles me comprennent bien dans l’ensemble », estime Françoise. « Elles ont une super écoute, sont très demandeuses, mais très cloisonnées. Une fois sorties de la pièce, c’est fini. Elles pensent à autre chose. Dans mon groupe de 14 personnes, seulement deux sont plus avancées que les autres, ce qui ne les empêche d’être très bavardes. »
« Elles font des gâteaux comme elles respirent »
Difficile d’apprendre comment remplir des formulaires pour l’école, la santé, le permis de conduire et autres secteurs de la vie en société. Pour ce faire il faut savoir lire et écrire… Et comme « ces femmes font des gâteaux comme elles respirent », l’idée de leur faire écrire des recettes a germé dans l’esprit de Françoise. Elles les réalisent par tradition familiale, par transmission de savoir-faire. Elles ont du mal à expliquer autrement qu’en montrant dans la cuisine. Elles formulent difficilement. Pour Mid&Plus, chacune a accepté d’écrire la sienne. Tout est fait à la main. La principale difficulté pour rédiger est le passage à l’écrit, puisqu’elles ne savent pas lire. Elles se repèrent aux sigles qu’elles connaissent et reconnaissent les lettres individuelles, mais ne syllabent pas.
Ces recettes traditionnelles que nous vous présentons ont été testées pendant le dernier ramadan, parce que ces dames sont autorisées à rompre le jeune la nuit pendant cette période. Elles sont très généreuses.
Isabelle Brisson