Barbara Gehrels : à l’écoute des réfugiés

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« C’est un métier que l’on exerce dans la deuxième partie de la vie. Quand on a été bousculé et qu’on s’est rendu compte que l’être humain est fragile, très ». Barbara Gehrels, counselor dans un centre de réfugiés à Londres, sait de quoi elle parle. À la cinquantaine, elle a suivi trois ans de formation, en alternance avec des stages, avant de se mettre à l’écoute des demandeurs d’asile.

Les femmes ont souvent besoin d’un suivi spécifique. « Le viol est fréquent. Les femmes sont d’autant plus hésitantes à en parler qu’elles le considèrent comme une honte. Il y a aussi l’incertitude liée à l’attente des papiers: comment recommencer à vivre quand on ne sait pas si on a la permission de rester ? Enfin, le sort des enfants restés au pays est omniprésent et très angoissant ». Barbara écoute avec compassion et oriente: vers les généralistes, vers les psychiatres ou vers les rares centres qui, à Londres comme en France, accueillent les victimes de tortures. Il lui faut s’assurer que les femmes parlent à leur médecin de ce qu’elles ont subi ce qui est loin d’être évident : elles ne diront rien sauf si on leur pose des questions (ce que les praticiens oublient parfois de faire) et qu’elles ont confiance. Parler permet aussi d’éviter les prescriptions inutiles. On ne guérit pas de maux de tête chroniques, conséquence de coups, avec du paracétamol. À l’inverse, des personnes traumatisées par des évènements ne seront pas forcément guéries par une avalanche de psychotropes, encore faut-il que le médecin soit au courant des situations. Barbara s’assure aussi que tous les certificats nécessaires aux dossiers d’asile ont bien été faits et va même jusqu’à accompagner ses interlocuteurs au tribunal et témoigner.

Son souci : que les personnes ne restent pas en position de victime. « Même si la situation ici est bien meilleure, rester passif, dépendre des allocations, ce n’est pas une bonne vie et c’est donner victoire aux bourreaux. Il faut lutter et les gens doivent sentir que vous luttez avec eux. Ça compte beaucoup qu’un occidental s’engage, que la souffrance ne lui soit pas égale, car ces gens là sont habitués à l’indifférence». Il n’ y a pas longtemps, dans le bus, elle a ainsi rencontré un ancien patient suicidaire en pleine forme : il est devenu électricien, il va bien. Il lui a sauté au cou.

Sa récompense : la joie des visages quand les papiers sont accordés ou qu’une mère retrouve ses enfants « Voir cette joie est extraordinaire ». Ni médecin, ni psychologue, Barbara se décrit d’abord comme psychothérapeute orientée vers l’action, (le sens du mot « counselor » i.e. conseiller est aussi ambigu en anglais qu’en français). Il faut mettre à l’aise, chercher à comprendre, ne pas juger, ne pas prétendre avoir la solution de tous les problèmes; et surtout avoir de l’empathie pour les autres.

« En définitive, dit-elle, je crois que les gens viennent pour l’amour : je leur donne un peu d’affection ».

Isabelle Haynes
Mid&Londres

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