Les apparences, c’est ce regard empreint de fierté d’une femme mexicaine en tenue traditionnelle, l’au-delà, c’est le désarroi d’une femme meurtrie. Ses autoportraits, manuscrits, objets personnels, vêtements nous racontent l’itinéraire d’une Frida multiple que la vie n’aura pas épargnée mais qui résiste envers et contre tout.
Le corps en miettes
La souffrance intervient très vite dans sa vie. Victime d’une poliomyélite à l’âge de 6 ans, sa jambe droite s’atrophie et son pied ne grandira plus. C’est ce qui lui vaut le nom de « Frida la boiteuse ». Mais la véritable catastrophe c’est l’accident du 17 septembre 1925. Elle a 18 ans. Ce jour-là, Frida se trouve dans un bus qui percute un tramway. Elle est transpercée d’une tige de fer au niveau de l’abdomen jusqu’au vagin, le pied droit est broyé, bassin, côtes et colonne vertébrale sont également brisés. Les objets médicaux seront transformés en œuvres d’art. Dans ses nombreux autoportraits, elle se représente avec un visage intact toujours dressé dans une sorte de défi avec deux sourcils étrangement liés. Mais lorsqu’elle peint son corps, il sera toujours mutilé, sanguinolent, brisé.
Encouragée par ses parents, elle fera de sa vie un objet poétique et peindra afin d’écrire et de réécrire inlassablement son histoire.
Viva la Vida
Souvent représentée par des couleurs vives et des compositions florales, on en vient à oublier la souffrance de sa propre existence. Bijoux imposants, coiffures élaborées, vêtements colorés, son style excentrique se veut dans la tradition indigène Tehuana du Mexique. Mais les jupes longues superposées sont aussi un moyen pour dissimuler son handicap comme les talons des chaussures coupés à des tailles différentes et les corsets décorés. Les fleurs dans ses cheveux attiraient l’attention sur son visage. L’art du vêtement est un moyen de mettre du baume sur ses blessures. Il permet aussi de revendiquer une identité culturelle très marquée, emprunte de nationalisme, de féminisme et d’amour pour la tradition de son pays que son communiste de mari, le célèbre muraliste Diego Rivera adore. Frida ne sera pas le modèle de ses fresques du Palais National, mais elle porte sur elle les couleurs de la révolution populaire.
Tous ses vêtements et accessoires révèlent un sens caché sous les apparences, autant de moyens de trouver l’élan vital.
La fureur de vivre
Séquelle de l’accident, la stérilité est la plus cruelle déception de son existence. À Detroit où elle se rend avec son mari, elle fait une fausse couche, ce qui va lui inspirer des peintures macabres où elle se représente maculée de sang. C’est un renouveau artistique et, selon Diego, elle commence à réaliser de véritables chefs-d’œuvre, « des peintures qui exaltent les qualités féminines d’endurance face à la vérité, la cruauté et la souffrance ». Pourtant, elle continue de séduire et multiplie les liaisons (Noguchi, Eisenstein, Duchamp). On lui prête même une liaison avec Trotski que le couple a accueilli dans leur maison à Mexico, la casa de Azul.
Elle incarne la féminité harcelée par la mort qu’elle défiait en permanence, habitée par une inflexible volonté de vivre.
Disparue, elle deviendra une véritable icône et sera une source d’inspiration pour les plus grands designers, la plaçant définitivement à la croisée de l’art et de la mode.
Michèle Robach
À VOIR : Frida Kahlo, au-delà des apparences, Exposition au Palais Galliera, Musée de la Mode de la ville de Paris jusqu’au 5 mars 2022.