Nous connaissons tous en France, à juste titre, Rosa Parks. Pourtant, une autre héroïne de l’histoire américaine de la déségrégation raciale aux États-Unis l’a précédée d’un siècle et a ouvert la voie dans ce combat : Harriet Tubman, connue aussi sous le nom de La Moïse noire.
L’enfance
Née esclave en 1822 dans le Maryland, sa grand-mère, venue d’Afrique (probablement du Ghana) débarque d’un navire négrier dans l’épouvante esclavagiste du Maryland à la fin du XVIIIe siècle. La famille qu’elle fonde est séparée au gré du commerce d’esclaves. À l’âge de 5 ans, sa petite-fille, Harriet, est louée par une femme qui lui intime de veiller sur le sommeil de son enfant. Lorsque celui-ci pleure, elle se retrouve fouettée jusqu’au sang ! Sur sa peau, les cicatrices de ces sévices ne s’estomperont jamais. Harriet, désormais adolescente, est toujours battue selon l’humeur de ses propriétaires. Une de ses blessures va particulièrement influencer la suite de son existence. Après avoir subi un traumatisme crânien, la jeune esclave est en proie à des visions qu’elle interprète comme des signes de Dieu. Elle-même s’est plongée depuis quelque temps dans l’Ancien Testament, se berçant du récit de Moïse guidant les juifs hors d’Égypte.
La grande évasion
En 1849, alors que son maître vient de mourir, Harriet Tubman réussit à s’échapper, laissant derrière elle ses frères et son mari. Elle traverse un bout du Delaware et parvient jusqu’en Pennsylvanie, premier état à avoir aboli l’esclavage aux États-Unis, notamment en raison de l’influence des Quakers, une communauté religieuse qui luttait contre celui-ci. Pour réussir son évasion, elle a fait appel à « l’underground rail road », un réseau de chemin de fer clandestin qui aidait les esclaves en fuite à arriver jusqu’aux états du Nord. Enfin libre, Harriet va nourrir une idée extraordinaire : organiser des allers-retours (qu’elle effectue elle-même) par cette même route vers son ancienne terre pour en libérer des membres de sa famille, puis de sa communauté. Certains spécialistes calculent que des centaines d’hommes et de femmes ont profité de son expérience !
La militante
La vie tumultueuse d’Harriet Tubman ne s’arrête pas à son rôle dans l’abolition de l’esclavage. Pendant la guerre de Sécession, elle s’engage notamment pour les forces de l’Union en tant qu’espionne et infirmière. Elle est aussi reconnue comme la première femme à avoir mené une opération militaire aux États-Unis, car elle a participé personnellement aux combats : en 1856, le raid de la rivière Combahee, en Caroline du Sud, libère 700 esclaves dans une scène de chaos qui la marquera à vie. Sa lutte et son implication personnelle ne prennent pas fin en même temps que la guerre. La militante convaincue continue son combat dans l’antiracisme, puis en faveur du droit des femmes. À New York, Washington ou Boston, elle prend la parole pour revendiquer leur droit à voter. Elle meurt finalement en 1913 dans un hôpital pour Afro-Américains qu’elle avait elle-même contribué à fonder.
Sa mémoire, célébrée chaque année le 10 mars, devrait être bientôt honorée sur chaque billet de 20 dollars mis en circulation aux États-Unis. Une décision prise sous l’Administration Obama et relancée par Joe Biden. C’est la première personnalité noire et la troisième femme qui devrait apparaître sur un billet américain. N’oubliez-pas Harriet Tubman, une grande Américaine !
Anne-Marie Chust
LIRE
♦ Harriet Tubman : Freedom Seeker, Freedom Leader de Rosemary Sadlier (Dundurn Press, 28 janvier 2012).
VOIR
♦ Le peintre américain Jacob Lawrence consacra une série de peintures à propos de la vie d’Harriet Tubman entre 1938 et 1940, puis reprit ce thème en 1967 dans son livre pour enfants Harriet and the Promised Land (New York-Windmill Books, 1968). Traduction française : Harriet et la Terre promise (Paris, Ypsilon éditeur, 2017).
♦ L’artiste afro-américaine Faith Ringgold (récemment au Musée Picasso dans l’exposition Black is beautiful) lui rend hommage dans son tableau-quilt « The Sunflowers Quilting Bee at Arles, The French Collection Part I ».
♦ En 2019, Harriet, film de Kasi Lemmons avec Cynthia Erivo (nommée aux Oscars). Sur Netflix.
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