Ou devrais-je dire les quatre sœurs March… Elles font partie de mes histoires de sœurs favorites. Je me souviens de l’avoir lu à Noël pendant mon adolescence, à l’époque où pendant les vacances scolaires on regardait une télé bien faite, et on composait sa bibliothèque idéale, un vrai conte de noël sans mièvrerie. Je m’aperçois, aussi, aujourd’hui qu’il s’agit finalement d’un vrai roman politique historique américain, sur fond de pêché originel, l’esclavage.
Une histoire de femmes
Le père, absent, est à la guerre, celle de Sécession, du côté nordiste. Les quatre sœurs sont élevées dans une atmosphère de femmes : leur mère, admirable, Hannah, la fidèle servante, et la terrible Tante March, (plus gentille qu’il n’y paraît). On vit leur quotidien difficile en l’absence du père dans une famille qui a connu des revers de fortune et que la guerre a appauvri. L’autre aspect important du livre, c’est l’émancipation de la femme. Louisa May Alcott, dont on dit que le livre est une autobiographie romancée, était elle-même la deuxième d’une fratrie, éduquée par un père philosophe ayant des exigences en matière d’éducation, contrainte de travailler (comme ses sœurs) pour aider sa famille.
Margaret (Meg), plus conventionnelle et romantique,
Josephine (Jo), la créatrice, rêve de devenir écrivain,
Elisabeth (Beth), la timide, musicienne est une âme pure,
Amy, à la personnalité éclatante (un peu trop parfois).
On y découvre le portrait de quatre « belles » jeunes filles, ayant chacune son univers, différentes de tempérament, mais complémentaires, qui ont en commun la générosité, la gaieté et l’amour des autres, même si toutes différentes de tempérament, elles apprennent ensemble à surmonter les épreuves de la vie, et la mort de l’une d’entre elles, Beth. L’un des seuls « hommes » du roman » est leur jeune voisin Laurie, riche orphelin, à qui elles vont faire connaître les joies de la famille. Il tombera amoureux de Jo, qui n’acceptera pas sa proposition, car elle rêve déjà d’une autre vie, devenir écrivain et partir suivre sa voie à New York pour conquérir son indépendance. Et Laurie finira par épouser Amy.
Qui n’a pas rêvé d’être Jo ?
Bien sûr, beaucoup de bons sentiments, mais exprimés avec clairvoyance et sincérité. Louisa May Alcott était une « militante » abolitionniste et s’est prononcée sur l’émancipation des femmes parmi les premières. Et puis, dites-moi, qui n’a pas rêvé d’être Jo ? Une fille entreprenante, indépendante, intellectuelle, courageuse, qui n’hésite pas à couper ses cheveux pour les vendre et permettre à sa mère d’aller au chevet de son père au front. Couper ses cheveux à cette époque n’avait rien d’anodin ! Rien de paisible chez Jo, elle entraîne sa famille dans l’action et la modernité, et la chère Simone est d’accord avec moi, elle disait (avant moi, je l’admets) :
« Il y eu un livre ou je crus reconnaître mon visage et mon destin : Les quatre filles du Docteur March, de Louisa May Alcott. » Simone de Beauvoir
Et si vous avez envie d’une version dépoussiérée, n’hésitez pas aller voir, le film de Greta Gerwig dès le 1er janvier (encore pendant les vacances de Noël) avec un casting de rêve dont Meryl Streep, Emma Watson, Laura Dern, Timothée Chamalet, Louis Garrel.
Anne-Marie Chust
Le livre a eu un tel succès que Louisa May Alcott a écrit une saga :
♦Les Quatre Filles du Docteur March (Little Women or Meg, Jo, Beth and Amy, 1868, 1ère édition française en 1880)
♦Les Filles du Docteur March se marient (Good Wives, 1869, première édition française en 1951)
♦Le Rêve de Jo March (Little Men: Life at Plumfield with Jo’s Boys, 1871, première édition française en 1994)
♦La grande famille de Jo March (1886)