Li Chevalier, l’encre des âmes

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Li Chevalier, artiste peintre franco-chinoise, revisite avec grâce l’encre de Chine, art millénaire, dans une œuvre originale reflétant son obsession du beau. Derrière la sensibilité du travail de cette ancienne soldate chanteuse de la révolution culturelle transparaît sa recherche philosophique et spirituelle. Laissez-vous emporter par la délicatesse, la magie et la poésie de son pinceau ! click here to read in English*

Adolescente sous la révolution

Née à Pékin en Chine au moment de la famine, Li a 7 ans au moment de la révolution culturelle. La directrice de son école primaire est arrêtée. Elle se souvient d’avoir été terrifiée par cette époque. Repérée dans son lycée par des sergents recruteurs car elle chante bien (c’est dans l’armée qu’on trouve alors la meilleure éducation et les postes les plus prestigieux), Li rentre à 15 ans dans la troupe de l’opéra de l’armée. Les trois premiers mois se passent uniquement en entraînement militaire (apprendre à tirer au fusil, lancer des grenades, ramper…) ! Les enfants qui l’entourent ont entre 10 et 15 ans. Ils pleurent collectivement. Pensionnaires, ils ne rentrent pas chez eux pendant trois ans…

À la recherche de la beauté

Il lui semble que toute sa vie a passé dans la recherche de cette beauté interdite détruite par la révolution culturelle. « Dès mon enfance, je ne concevais pas ma vie autre que dans le chant et dans les arts. Cet amour des arts m’a embarquée dès l’âge de 15 ans dans un camion militaire pour rejoindre la troupe opératique de l’armée populaire de Chine. Pourtant le droit à la beauté ne me fut alors offert ni dans le chant, ni dans les arts ! Si mes oeuvres cristallisent quelques tempêtes intérieures, l’oeil du cyclone névrotique se situe bel et bien dans cette beauté interdite qui a fait de mon art le support expressif de mes violentes révoltes ! »

L’arrivée en France

En 1980, elle est démobilisée et sort de l’armée. L’université ouvre de nouveau et Li tente sa chance à l’Université de Relations Économiques avec l’étranger, la seule ouvrant une porte vers l’Occident. Elle y passe trois ans. En stage au ministère du commerce extérieur à Pékin, elle rencontre celui qui va devenir son mari, jeune français attaché commercial à l’Ambassade de France en Chine. Ils se marient et elle doit alors interrompre ses études (impossible de les continuer puisqu’elle est mariée à un étranger…). Li arrive en France en 1984.  Elle ne dit pas un mot de français et l’apprend sur les bancs de Sciences Po, puis à la Sorbonne (3ème cycle d’études de philosophie politique).

L’amour de la peinture

Li a toujours été passionnée par la peinture, même si elle a été jusqu’alors plus musicienne que peintre. Elle suit son mari expatrié au Japon pour deux ans et commence à travailler la peinture. Au retour de Tokyo, ils s’installent à Louveciennes au Château des Sources là où a vécu Elisabeth Vigée Lebrun. Li se promène dans les chemins peints par les impressionnistes, passe devant la maison de Renoir, fréquente la Maison des Artistes de Louveciennes. Son parcours artistique commence alors vraiment et la peinture devient une nécessité. Elle passe presque deux ans en Italie en séjours d’études. Ses premières œuvres sont figuratives, puis ensuite rouges et surréalistes, très influencées par Pierre Henry, compositeur de musique électroacoustique.

L’encre de Chine

C’est en 2003, lors d’un séjour au Qatar, que Li trouve son style actuel. Elle découvre l’encre de Chine et abandonne l’huile. Cette découverte la fait naturellement aller vers l’abstraction, son style devient de moins en moins figuratif :  « Avec l’encre, on peint sur toile et pas sur papier et on peint à l’envers : on part du blanc pour aller vers les nuances de gris. Le travail est plus difficile, car il n’y a pas de retouches possibles. ». Elle fait aujourd’hui partie d’un groupe d’artistes décidés à faire revivre l’encre expérimentale dans le travail contemporain : « Je souhaite laisser mes tableaux aux futures générations pour faire connaître l’expression de l’encre de Chine et faire perdurer cette peinture intemporelle. »

Chaque année Li peint 30 à 40 œuvres, dont 3 formats monumentaux, qu’elle vend en priorité aux fondations et aux musées et participe à quatre ou cinq expositions de groupe dans le monde entier (Chine, Grande-Bretagne, France, Italie, Russie, Suède, etc.). Elle organise une expo personnelle tous les deux ans environ.

 

Li ne veut pas choisir entre les deux mondes… et se partage entre ses deux ateliers de Pékin et Paris, toujours à la recherche de la beauté, troublée par la mort, en quête spirituelle, des silhouettes marchant vers l’au-delà, un point d’interrogation sur la ligne d’horizon ou une croix la reflétant, « tiraillée entre le zen asiatique et l’agitation catholique où il faut se brûler pour donner de la lumière… ». Son mantra ? « Je m’incline devant le génie, je m’agenouille devant la bonté. »

Marie-Hélène Cossé
*Article translated by Katie Wilkinson for My French Life

Site de Li Chevalier. Trajectoires de désir de Li Chevalier (Le Cherche Midi, 2017), préface de Luc Ferry Li Chevalier ou la redécouverte de la beauté dans l’art contemporain.

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