Marie-Agnès Gillot, une danseuse hors cadre

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Retraitée à 42 ans, comme les danseuses étoile de l’Opéra de Paris, Marie-Agnès Gillot a coché toutes les cases avec toujours un pas de côté. Dure à la douleur, dansant avec un corset, forte par peur du médiocre, plus grande que la norme, elle reste une étoile qui brille encore.

Les premiers pas

Elle est une petite fille toujours en mouvement, sauter plus haut, pédaler plus vite et surtout attirer l’attention des autres car sa maman s’occupe à temps plein d’un petit frère malade. De Caen à Paris, il n’y a qu’un saut qu’elle franchit en gagnant le concours d’entrée à l’Opéra de Paris. Petit rat en internat, elle apprend, quand elle est trop excitée, à « respirer dans les doigts de pied ». À la fin du stage, à 10 ans, elle est acceptée pour une année qui sera douloureuse. Des yeux bandés aux baguettes de bambou, elle a la rage mais se sent nulle, priée plus qu’à son tour de prendre la porte. Puis vient l’épisode de sa double scoliose où elle refuse l’opération et cache à tous son corset qu’elle garde en permanence, sauf quand elle danse, la libération du corps, enfin !

Le corps de ballet

Munie d’une dérogation de l’État, elle peut travailler à 14 ans sans être émancipée. Le jury avec Patrick Dupond, directeur de la danse, la nomme première ex-æquo et ce sera le début d’une carrière avec son soutien indéfectible. Il lui dira quand elle quitte l’Opéra : « Tu as vraiment tout dansé. Reste comme tu es. Ne change pas ». Elle suivra le parcours obligé, Quadrille, Coryphée, Sujet et première Danseuse et, comme c’est l’habitude, à être « cul par terre » pour apprendre en observant les autres danseurs. Et aussi s’habituer à la scène penchée, copie de celle de Garnier, où il faut savoir rééquilibrer différemment son corps « S’appuyer sur la pente », plus facile pour elle qui a une jambe plus longue que l’autre ! L’Étoile Monique Loudières lui confiera : « C’est dingue comment tu travailles. Tu es toujours à fond, comme si tu ne savais rien ».

« Une pointe, c’est le prolongement du corps »

À 18 ans, Marie-Agnès enlève son corset et danse avec ses douleurs et sa bosse. Danser du contemporain changera son corps et l’oblige à refaire sa corne quand elle remet ses pointes « Une pointe, c’est une grotte dans laquelle tu peux te réfugier. Une pointe te pointe et tu deviens son élue ». De Noureev à Aurélie Dupont, d’Agnès Letestu à Pietragalla, elle a côtoyé tous les grands danseurs, ses modèles, et, surtout, Ghislaine Thesmar. « J’ai eu l’impression de voir un de ces somptueux yearlings de course. » dit-elle quand elle rencontre pour la première fois celle qui lui apprend à devenir interprète. « Laisse dégouliner tes bras… » Ces savoirs lui servent aujourd’hui à diriger sa propre école de danse et à être jurée dans l’émission « Danse avec les stars ».

Toutes ces années ont fait d’elle cette danseuse hors cadre applaudie dans le monde entier. « Cette souffrance aurait pu me transformer en garce, mais j’ai mis le R devant le A et j’en ai fait une grâce. »

Vicky Sommet

EN SAVOIR PLUS « Sortir du cadre » de Marie-Agnès Gillot aux éditions Gründ (octobre 2022)

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