Figure connue des tribunes publiques où elle n’hésite pas à exprimer ses opinions, Théroigne de Méricourt est une figure oubliée de la Révolution française. Malgré une enfance et une fin de vie malheureuses, elle n’en fut pas moins un grand personnage de l’époque dont la vie inspira de nombreux auteurs.
Un fort désir d’émancipation né du malheur
Née le 13 août 1762 dans une famille aisée de la paysannerie ardennaise, sa mère meurt en couche lorsqu’elle est âgée de cinq ans et à partir de là, sa vie bascule dans le malheur. Elle va errer, travaillant comme domestique, maltraitée, humiliée. Lassée des injustices, la jeune fille fuit à Anvers et rencontre la seule figure féminine qui lui témoignera de l’affection. Elle devient la demoiselle de compagnie d’une certaine Madame Colbert, qui lui permet de se cultiver. Quatre brèves années de plénitude et s’en suit à nouveau une triste existence de demi mondaine. Mais auprès de Madame Colbert, celle qui s’appelle encore Anne-Josèphe Terwagne se sent attirée par une cause dont elle n’entend que les rumeurs. Plutôt que de rentrer à Liège ou dans le village de son enfance, Marcourt, elle préfère Paris, symbole de toutes ses espérances : bonheur sagesse, égalité. La presse royaliste lui invente un nom aux allures nobiliaires qui lui restera : Théroigne est la forme francisée du patronyme et Marcourt deviendra Méricourt.
1789, les femmes considérées comme inaptes à la raison
C’est l’homme qui incarne la puissance intellectuelle. Les femmes sont jugées sensibles et instinctives¹. Il faut leur interdire l’accès à la culture qui les rendrait viriles et donc inaptes à la procréation. Condorcet, seul philosophe à avoir participé à la Révolution, défend, lui, que tous les individus sont soumis aux mêmes lois et que les femmes doivent obtenir des droits identiques à ceux de leurs compagnons : civiles et politiques. Voilà un terrain sur lequel Théroigne s’engouffre avec quelques autres comme Olympes de Gouges. Des femmes marginales qui incarnent la forme moderne d’un égalitarisme qui mettra un siècle et demi à s’imposer.
Une guerrière face à un mur d’incompréhension
Lasse des humiliations qu’elle a subies, Théroigne se lance à corps perdu dans la Révolution. Elle veut armer la population féminine, exécuter les ennemis de la Révolution. Elle participe à la création des clubs des citoyennes républicaines révolutionnaires, rédige des textes pour les députés. Elle s’habille en amazone, prétexte pour la presse royaliste de la ridiculiser. Un jour, alors qu’elle se rend à l’Assemblée où certaines femmes sont admises en observatrices, elle est prise à partie par une foule de mégères excitées qui relèvent sa jupe et la fouettent. Théroigne ressent cet épisode comme un échec. Elle se sent comme une femme à part, solitaire.
L’internement sous la Terreur
Dès lors, la folie que l’idéal révolutionnaire avait masquée la conduit sur le chemin de l’enfermement à la Salpétrière où elle restera jusqu’à la fin de sa vie. C’est l’époque de la Terreur et comme beaucoup d’autres, elle est arrêtée par le comité révolutionnaire. On lui reproche d’essayer de conquérir par la Révolution une autre identité que celle d’épouse, de mère. La folie de Théroigne se fige progressivement dans une psychose chronique. Elle s’éteint à l’âge de 57 ans sans qu’elle ait paru avoir recouvré un seul instant sa raison.
Victime des évènements, Théroigne de Méricourt a su conquérir la gloire, sortir de sa condition et fréquenté « les grands » de ce monde. Elle est à la fois pionnière pour sa participation à l’élan de la Révolution et victime pour avoir été humiliée tout au long de sa vie.
Michèle Robach
¹Croyance basée sur l’ancienne théorie de Rousseau dans La Nouvelle Eloïse.