Quête existentielle et artistique

©Gustave Caillebotte (1848 - 1894) Raboteurs de parquet 1875 Huile sur toile 102 × 147 cm Paris, musée d’Orsay, don des héritiers de Gustave Caillebotte par l’intermédiaire d’Auguste Renoir, son exécuteur testamentaire, 1894 Photo © RMN - Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski - Expo Musée d'Orsay 2020Dans l’exposition « Huysmans de Degas à Grünewald », au Musée d’Orsay juqu’au 1er mars, l’artiste Francesco Vezzoli présente un parcours sur l’évolution de cet écrivain majeur du 19e siècle qui fut également un critique d’art mal connu du grand public.

Huysmans (1848-1907)  appartenait par son père à une lignée de peintres flamands remontant au 16e siècle, ce qui lui vaudra de devenir un esthète. Attiré par l’écriture, les mots rares, il va chercher à faire rentrer la peinture dans la littérature. Mais il ne s’installera jamais complètement dans un genre littéraire ou artistique. Très proche de Zola dans les années 1870, Huysmans défend le naturalisme et admire les impressionnistes comme Manet, Degas, Monet ou Caillebotte. Selon lui, la peinture doit être proche du réel, Puis à partir des années 1880, il se trouve à l’étroit dans ce milieu. Huysmans découvre les peintures de Moreau et s’engouffre dans le symbolisme, avec les explorateurs du rêve comme Félicien Rops ou Odilon Redon, sombre et ésotérique. C’est une période où il s’essaiera au satanisme et au décadentisme, courant de fin de siècle où se rassemblent les pessimistes, qui trouvent une jouissance intellectuelle à l’agonie et une répulsion envers tout ce qui est force vitale¹. Au centre de la salle d’exposition, une tortue rappelle le jeu sadique du principal personnage du roman « À rebours »² qui va faire mourir l’animal par pure perversité³.

Puis après avoir encensé noirceur, cynisme et débauche, Huysmans amorce ce qui semble être un nouveau tournant et  se convertit au catholicisme dans les années 1890. Il entre dans la religion par l’Art : la beauté de la liturgie, l’architecture des églises et la vie monastique (chants, psaumes..). Il découvre un peintre médiéval allemand méconnu Grünewald et lui attribue une place exceptionnelle dans son musée imaginaire. Sa représentation des cris tragiques, des  violences d’apothéose et des frénésies de charniers eut l’effet pour Huysmans d’un véritable cataclysme. Et c’est sur le corps à moitié décomposé du Christ sur la croix que se termine l’exposition.

S’achève ainsi un parcours où les œuvres sont présentées comme un cheminement  à l’intérieur du propre esprit d’Huysmans. Il faut toutefois se garder d’y voir une évolution tranchée. Il y a une continuité dans son œuvre. Pour lui, la petite danseuse de Degas fait écho au Christ de la chapelle de Burgos et la Crucifixion de Grünewald rappelle par son réalisme la dimension surnaturelle propre à Redon ou à Rops. Dès le début, la quête existentielle sera toujours liée à la quête artistique.

Michèle Robach

¹En faisant du héros de « Soumission », un professeur spécialiste de Joris-Karl Huysmans, Michel Houellebecq remet en lumière l’œuvre de Huysmans, qui a exploré les bas-fonds d’une société décadente, le satanisme, avant de se convertir au catholicisme.
² Roman (1884) où la narration se concentre autour d’un antihéros Jean des Esseintes, maladif, excentrique, décadent.
³Source.