Le consentement, un équilibre délicat entre soi et autrui

0

Depuis la sortie de l’ouvrage de Vanessa Spingora, ce mot est sur toutes les lèvres. Mais de quoi s’agit-il ? Suffit-il de dire oui pour consentir ? Peut-on consentir contre son gré ? Une victime peut-elle être consentante ? Peut-on être consentante et se taire (qui ne dit mot consent) ? Bref, le consentement est une notion complexe, ambigüe qui se situe au cœur de l’émancipation des femmes.

Un équilibre délicat entre soi et autrui

Il existe des consentements libres ou éclairés entre deux parties supposées égales et en pleine possession de leurs facultés de discernement et le consentement « vicié » : selon l’expression de la philosophe Geneviève Fraisse, obtenu par la contrainte et fruit d’un rapport de force plus ou moins explicite. Dans le cas des mariages forcés, celui qui consent est avant tout  le père. La mariée ne peut que consentir sous forme de soumission à un ordre, soit consentement sous contrainte et non pas liberté.  Le consentement oscille sans cesse entre ces deux bornes et c’est là toute la complexité.

À la jonction du corps et de l’esprit

Le consentement suppose une volonté. Mais le corps aussi, entre en jeu.  Le consentement sera visible dans l’acquiescement. Mais  dans l’expression « qui ne dit mot consent »,  il peut signifier ne pas manifester « physiquement » d’opposition. D’où la part d’ombre, le consentement doit donner des signes qui seront sujets à interprétation. Ces preuves peuvent être verbales (dire oui, dire non) ; elles sont souvent corporelles : demeurer, ne pas fuir, acquiescer qui sont autant de postures du corps pouvant donner lieu à interprétations. Celle qui cède au violeur avait-elle pour autant consenti¹? Que dire du viol conjugal, tabou durable, dont la question est au fond celle du devoir conjugal et que la loi a ignoré jusqu’en 2006.

La Suède passée d’une culture du viol à une culture du consentement

Le 1er juillet 2018, une nouvelle loi sur le consentement est entrée en application. Pour la victime, plus besoin de prouver que son agresseur a abusé d’elle. Tout acte sexuel accompli sans que l’autre y ait participé « librement » est désormais considéré comme un viol. Au parquet de Stockholm c’est une évidence. La réforme a montré son efficacité, dans le cas de femmes qui se retrouvent dans une situation sexuelle que les plaignantes considèrent comme une agression. Ce qui avait commencé comme un rapport consenti ne l’est plus, à partir du moment où  l’agresseur se montre soudain brusque ou modifie l’acte sexuel sans que la victime ait accepté, même si elle reste passive car qui ne dit mot ne consent pas forcément. Avant, un suspect pouvait dire qu’il n’avait pas compris que la plaignante ne voulait pas de l’acte sexuel. Désormais, il doit expliquer ce qui lui a fait croire qu’elle était consentante.

Le consentement ne relève pas du « sexuellement correct ». Il n’est pas un tue-l’amour. La réalité est pénible avec ces dénonciations quotidiennes de harcèlements sexuels et ces procès retentissants. Comment construire le monde de demain qui respecte la dignité humaine ou selon la formule d’ Irène Téry « le respect absolu du consentement sans pour autant renoncer à la surprise délicieuse des baisers volés » ?

Michèle Robach

¹Le récit « Une femme à Berlin » évoque les Russes qui libèrent la ville en 1945 et se jettent sur les femmes présentes, simples proies sexuelles. Que peuvent-elles faire ? Le rapport de force n’est guère en leur faveur. Alors, si le corps peut faire semblant de dire oui, si le corps s’arrangera avec le viol répété de ces occupants, elle dira non de la tête, par sa raison, par sa lucidité, par son récit quotidien dans un journal intime ; et pour finir par la solidarité avec les autres femmes violées. Victimes consentantes, c’est  le viol ou la vie…

« Le consentement » de Vanessa Spingora (Éditions Grasset, janvier 2020)

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.