Corinne Maier nous livre dans son dernier ouvrage « Dehors les enfants » son expérience de mère et nous donne les clés pour nous débarrasser de notre Tanguy, dans son cas Ulysse, surnommé Lulu, qui après avoir obtenu à peu près son bac, s’est incrusté dans sa chambre comme une moule sur son rocher…
L’odyssée d’Ulysse en chambre
Impossible de lui parler de son avenir. Travailler, faire des études ? Encore faudrait-il trouver sa voie qu’on ne cherche pas vraiment… Dans les pays anglo-saxons, on les appelle les NEET (Not in Education, Employment or Training), au Japon, des Hikikomori (ce qui peut être traduit par se retirer en soi). Le sujet a inspiré l’essayiste et son nouvel essai qui raconte avec un humour décapant son bras de fer domestique avec son fils. Mais… à qui la faute ? « Le phénomène révèle un malaise multiforme », conclut Corinne Maier après enquête. En réaction à nos parents « à l’ancienne » qui pensaient d’abord à eux et nous demandaient rarement notre avis, nous sommes entrés en éducation comme en religion. Au nom de l’enfant, il faut s’investir, donner toujours plus, résoudre tous les problèmes.
Les jeunes n’ont plus le temps d’avoir envie
Un autre de ses livres, « No Kid », qui prenait la forme d’un manifeste antinataliste, nous donnait déjà « 40 bonnes raisons de ne pas avoir d’enfants », un livre dédié à désacraliser le fait d’avoir un enfant en démontrant les bouleversements au quotidien et une certaine réalité de la condition actuelle à être parent. Pour Corinne Maier, notre société est obsédée par les enfants qui sont perçus comme une « garantie » de réussite, de bonheur et de statut social. Mais, en fait, ne serions-nous pas tout simplement devenus des consommateurs engendrant un nombre toujours plus grand de petits consommateurs qui ne se lasseront jamais d’un capitalisme qui a besoin de vendre toujours plus de produits ?
C’est au nom des enfants que les parents achètent des voitures, des machines à laver, des maisons et des gadgets.
Notre passion pour les enfants est liée à notre préoccupation croissante pour l’avenir de l’humanité. Notre gentillesse et notre bienveillance leur coupent les ailes. Au fond, ces anorexiques du désir sont le symptôme d’une époque où ne nous croyons plus au progrès, à la croissance sans fin, à la consommation qui rend heureux.
Comment réagir quand on a un Lulu à la maison ?
« La méthode est très simple », répond la mère de famille. « Il faut cesser d’être un parent parfait : arrêter d’anticiper le moindre de ses désirs, de lui chercher des formations, de faire les courses et de lui préparer des bons plats comme lorsqu’il était petit… Il est même conseillé de sortir sans dire où on va et quand est-ce qu’on rentre. S’il se sent trop bien à la maison, il ne partira jamais ! »
Et ça marche ! À 56 ans, Corinne Maier est enfin libérée. Ulysse a repris ses études, vit seul, n’en veut pas à sa mère et entreprendra peut-être un beau voyage…
Anne-Marie Chust
« Dehors les enfants ! » de Corinne Maier (Albin Michel, octobre 2021), auteure d’essais et de pamphlets, surnommée « héroïne de la contre-culture » par le New York Times, figurant parmi les « 100 femmes les plus influentes du monde » dans le classement annuel de la BBC en 2016, traduite en plusieurs langues. Parmi les plus célèbres : Bonjour Paresse (Editions Michalon), No Kid (Editions Poche).