Malgré les débats sur le mariage pour tous et les Marches des fiertés LGBT¹ de plus en plus médiatisées, la visibilité des femmes homosexuelles reste faible. Pourtant, lever le tabou irait dans le sens d’une meilleure acceptation/tolérance par la société et d’un renforcement de la confiance en soi d’une minorité sexuelle qui reste de nos jours très vulnérable², surtout parmi les jeunes en recherche de représentations positives de l’homosexualité.
De rares coming out féminins
En France, les coming out³ des hommes politiques restent très peu nombreux, pour les femmes il est quasiment inexistant. Le monde politique renvoie très largement l’image d’une hétérosexualité implicite, d’autant plus « universelle » que l’homosexualité constitue une différence « a priori » non détectable. À partir de 1981, la gauche a réalisé l’essentiel des avancées en matière de politique des homosexualités (dépénalisation, Pacs, lutte contre l’homophobie, mariage), et la droite les a maintenues, parfois même améliorées, dans un contexte de tolérance croissante à l’égard de l’homosexualité. Mais, ce qui frappe, c’est la très inégale répartition de la visibilité homosexuelle en termes de sexe, puisque ce phénomène concerne presque exclusivement des hommes.
La sous-représentation des lesbiennes en politique
Il y a bien l’exemple de l’Islande où une femme ouvertement homosexuelle a été chef de gouvernement de 2009 à 2013 ou l’actuelle maire de Bogota. Mais ces cas sont très isolés. Être une lesbienne en politique revient à s’imposer dans un contexte presque exclusivement masculin bien au delà du sexisme ambiant, surmonter en quelque sorte la « double peine ». De même, les médias et le pouvoir qu’ils donnent sont majoritairement dirigés par des hommes qui sont également plus aisément présents en tant qu’experts sur les plateaux4. Du coup, aucun nom de femme ne circule, si ce n’est ceux de la socialiste Françoise Gaspard, qui a rendu public son pacs en 2000, puis son mariage en 2013 avec Claude Servan-Schreiber et celui de l’ancienne sénatrice Corinne Bouchoux pacsée avec l’historienne Christine Bard qui présida un temps le groupe écologiste au Sénat: seulement deux femmes politiques françaises, ouvertement lesbiennes et inconnues du grand public.
La peur de la stigmatisation
D’après l’OCDE, l’homosexualité est de plus en plus acceptée mais l’ampleur des actes homophobes persiste, même dans les pays les plus tolérants5. Parmi, les plaintes pour violences, ce sont surtout les hommes qui poussent la porte des commissariats. Les femmes restent en retrait. Même constat chez SOS Homophobie qui constate que les lesbiennes rapportent beaucoup moins d’agressions que les gays ; d’après leur dernière étude6, 1 appel sur 5. En France, le dernier sondage de l’IFOP7 montre une plus grande acceptation sociale de l’homosexualité et une tolérance plus forte de la visibilité de l’homosexualité dans l’espace public. Mais les femmes qui se tiennent par la main font trop souvent l’objet de rejets.
Les lesbiennes restent une minorité qui souffre d’une double discrimination : celle d’être femme dans une société où l’égalité est un thème largement abordé mais pas encore pour autant appliqué, et celle d’être homosexuelles. On se prend à rêver d’une société qui protège la diversité dans le respect de toutes et de tous. Il y va d’un enjeu éthique.
Michèle Robach
¹LGBT : lesbiennes, gays, bi et trans.
²Les études menées dans le monde entier illustrent la prévalence des conduites suicidaires chez les jeunes homosexuels.
³Déclaration volontaire publique de son homosexualité.
4À part Roselyne Bachelot, ancien ministre de la santé qui a largement contribué aux débats politiques récents.
5Panorama de la société 2019 : les indicateurs sociaux de l’OCDE.
6Rapport SOS Homophobie 2019.
7Enquête réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jasmin Roy-Sophie Desmarais en partenariat avec la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT).