Denise Bombardier, la liberté de dire par excellence

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Chroniqueuse et présentatrice vedette québécoise pendant plus de trente ans sur Radio-Canada, Denise Bombardier reste un électron libre, avec un franc-parler qui lui fait appeler, toujours avec courtoisie et objectivité, un chat un chat. « C’est important de mettre les formes pour dire les choses. »

Une femme Noir sur Blanc¹

Un amour de la vie, une énergie farouche, doublée d’une curiosité naturelle et d’une lucidité remarquable, voilà le cocktail de celle qui se définit comme une éternelle pigiste, donc une intermittente, ayant besoin d’être sur la brèche pour se sentir vivante. À 78 ans qu’elle revendique fièrement, elle chronique toujours et aime la France comme au premier jour. C’est en l’entendant évoquer chez Anne Roumanoff son enfance, dans un climat de terrorisme familial que j’ai eu envie de rencontrer Denise Bombardier, en février à Paris, à l’occasion de la sortie de son autobiographie.

Une enfance entre eau de vie et eau bénite

Toute petite, elle prend des cours de diction et veut lire, sa grand-mère et ses tantes lui ayant appris « que les vrais riches sont ceux qui savent. Donc je savais que c’était la voie pour s’en sortir ». Même si 3 livres par semaine, à la bibliothèque, ce n’était pas assez pour sa soif de lire. « Bien parler c’est se respecter » lui ont appris les religieuses de son école.

Denise Bombardier n’a pas eu la vie facile, élevée dans une famille dysfonctionnelle sous l’emprise du terrorisme paternel dont elle a souffert et été témoin, ce qui l’a façonnée. « Le diable était dans la maison » dit-elle, avec ce père qui n’a jamais prononcé une seule fois son prénom, de quoi lui donner l’envie de se faire un nom. Pour elle, tous les hommes étaient, par définition, meilleurs que son père ! Et dans le récit de sa vie menée tambour battant, qu’elle a écrit à la main pour sa petite-fille Rose, tous les portraits des hommes qui l’ont aimée, sont attachants.

Trait d’union vivant entre la France et le Québec

Au fil des pages, on découvre celles et ceux qu’elle a cotoyés, interviewés, entre France et Québec, comme un François Mitterrand étonnant. Les portraits des femmes de sa famille sont haut en couleurs, dans un Québec ancré sur le matriarcat et qui a légalisé en 1967 l’homosexualité, l’avortement et le divorce. « La parité devrait être la règle, pour avoir par exemple plus d’hommes pédiatres et plus de femmes hautes responsables dans la fonction publique. Mais pour exercer le pouvoir, il faut que les femmes acceptent d’être critiquées, un point crucial. Moi je l’ai été, et j’ai serré les dents, instinctivement. » 

Un style direct, sans agressivité ni complaisance

Lorsqu’un ministre lui dit qu’elle est trop intelligente pour être séduisante, elle se garde de lui répondre que lui ne l’est pas assez pour l’être ! Aux jeunes filles d’aujourd’hui, elle suggère de ne pas camoufler leur intelligence et de s’affirmer en tant que femmes, pas comme des victimes. «  Le radicalisme féminisme n’est pas moins dommageable que le machisme dominant de nos société modernes. » Denise Bombardier est une femme libre, qui n’a pas froid aux yeux et s’autorise à dire sans peur et sans regret ce qu’elle a vécu, parfois subi, et compris. Comme lorsque choquée, bien légitimement, par un psychologue qui fait l’apologie de la pédophilie en 1983, elle abrège l’interview, payant chèrement plus tard cette atteinte à la soit-disant liberté d’expression.

Une sacrée de leçon de vie où chaque mot est choisi et pesé avec lucidité, par celle qui a choisi le journalisme, « ce formidable outil de pédagogie populaire ». Vive la liberté d’expression québécoise !

Anne-Claire Gagnon
Mid&Flandres

¹Noir sur blanc titre d’une de ses nombreuses émissions sur Radio-Canada.

LIRE Une enfance à l’eau bénite, 1985. Une vie sans peur ni regret, février 2019, éditions Plon

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